lundi 11 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (II)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 2: La mort du rêve

 Notre petit Nicolas est né le 26 février à 14:30.

Nous sommes arrivés à l'hôpital vers 11:00, maman en légères contractions. On nous avait martelé d'arriver plus tôt que la dernière fois (maman était dilaté à 9+, prête à pousser à notre arrivée). Cette fois-ci, elle est dilatée à presque 4. Nous sommes un peu déçus car nous espérions un 7-8, mais bon, nous nous préparons à passer un long moment à l'hôpital.

On nous attribue une chambre et nous nous installons confortablement; moi sur une chaise pour lire un livre et maman sur un ballon, avec son ipod et une revue à potins. Deux heures passent et on vient vérifier l'avancé du travail. Maman est dilatée à un peu plus de 4. Ça sera encore long. Le médecin décide de percer la membrane amniotique pour accélérer un peu le travail, il est 13h30.

Nous abandonnons rapidement notre confort, les contractions s'accélèrent et prennent de l'intensité. Maman tolère de moins en moins. Nous appelons l'infirmière pour demander la péridurale. Elle nous propose un bain à la place. Nous acceptons et elle commence à faire couler le bain. L'infirmière quitte et dit revenir avant que le bain soit plein. Deux atroces contractions plus tard, j'appelle une fois de plus l'infirmière pour lui demander la péridurale tout de suite, car maman est pliée en deux à chacune des contractions. (le bain n'a même pas fini de couler!). L'infirmière accepte et dit qu'elle doit aller remplir les papiers et préparer le soluté. Elle quitte la chambre. Nous sommes abasourdis. Enfin, je le suis car maman  hurle lors d'une autre contraction. Elle n'en peut plus, elle me dit qu'elle a envie de pousser. J'appelle encore une fois l'infirmière pour l'en informer. Le médecin arrive et après examen, nous annonce que le bébé est prêt à sortir.

3 atroces contractions et 5 minutes plus tard, Nicolas pousse son premier cri. Je filme les premiers moments d'extase d'accueillir ce nouveau né dans la famille. Bizzarerie, Nicolas est sorti avec la jambre droite plié à 180 degrés, les orteils collés sur son épaule, comme si  c'était un bébé qui s'était présenté par le siège. Le médecin en est étonné, mais ne trouve pas cela plus anormal qu'il le faut. Lorsque Nicolas pousse un cri, je trouve la forme de sa bouche étrange et je ne le trouve pas très beau. J'ai pas honte de le dire, car je ne suis pas le genre à m'extasier devant les bébés naissants et dire qu'ils sont tellement ''Cuuuuuuute!''. Je les trouve généralement pas très jolis, ils le deviennent après quelques jours à quelques semaines. À ma défense aussi, maman me confiera plus tard qu'elle aussi par moment trouvait le visage disons, différent.  Le médecin ne trouve rien à redire sur le bébé (apgar 9-9-9).

Je téléphone à mes parents pour leur annoncer la nouvelle. Je reçois les félicitations d'usage et  ils sont très heureux. Je leur dis que le les rappellerai plus tard pour dire dans quelle chambre nous serons et quelles sont les heures de visite.

Quelques instants plus tard, maman me fait remarquer que Nicolas a un sixième orteils. Je m'approche pour voir et en effet, on voit clairement un sixième orteil collé au petit orteil du pied gauche. C'est pas joli, mais bon, ça s'arrange si vraiment nécessaire. Maman fait remarquer à l'infirmière que Nicolas fait un peu de bruit quand il respire. Elle décide donc de l'envoyer à la pouponière pour le surveiller. Elle nous quitte avec Nicolas en nous laissant seuls face à notre inquiétude. Plus elle reste absente, plus nous nous doutons que quelque chose est en train de se produire.

On vient finalement nous chercher pour nous conduire à la pouponnière. Je pousse maman en chaise roulante. À la pouponnière, le pédiatre est en plein examen de Nicolas. Elle nous accueille gentiement. Puis elle nous confirme nos inquiétudes en énumérant les anomalies: Bouche anormale caractéristique, hypospadias (petit pénis et malformé), manque de tonus du tronc, microcéphalie (petite tête), pli simien (signe de trisomie 21, mais présent de temps à autres dans la population, comme moi), clairement 6 orteil au pied gauche et début d'un sixième orteil au pied droit...

Honnêtement, j'ai arrêter d'écouter à ce moment-là. Mon coeur voulait sortir de ma poitrine. Il faisait soudainement très chaud et ma vision commençait à se troubler. Je devais m'asseoir avant de m'évanouir, mais cette fois-ci, il n'y avait pas de chaise de métal pliante. Je me suis accroupi à terre.

C'était clair maintenent, Nicolas avait quelque chose, un syndrome quelconque sans aucun doute. La pédiatre ne semble pas avoir d'idée claire sur le sujet. Entre temps, ils mettent Nicolas dans un caisson transparent pour le monitorer. Nous pouvons tout de même le prendre et le caresser. Maman tente de l'allaiter au sein, mais rien n'y fait. Elle doit extraire le collostrum et lui donner à la cuillère. Nous passons quelque temps avec lui puis retournons dans notre chambre, sans parler, dans un silence de mort.

Je dois rappeler mes parents pour leur dire que finalement, il y avait potentiellement de mauvaises nouvelles et de ne pas venir, car ce n'était pas la joie pour le moment. Maman fait aussi ses appels aux amis et parents. C'est très difficile d'annoncer que l'accouchement s'est très bien déroulé mais qu'il y a un gros ''MAIS''.

On nous annonce que Nicolas sera transféré au Children le lendemain matin pour de plus amples investigations. Je rappelle mes parents pour leur dire de venir faire une visite. C'est peut-être le seul moment avant longtemps pour qu'Anabelle puisse enfin voir son petit frère qu'elle attend depuis si longtemps.

La gynécologiste qui a procédé à l'accouchement revient nous voir. Elle a consulté les résultats de tous les tests,  toutes les échographies, clarté nucale et n'a rien trouvé d'anormal. Elle nous dit que nous avons le droit de nous inquiéter, mais surtout pas de nous culpabiliser. Elle prescrit un médicament pour mieux dormir si le besoin s'en fait sentir, car demain, une grosse journée nous attend. Elle donne son congé à maman pour qu'elle puisse suivre Nicolas au Children le lendemain.

Nous recevons la visite de nos amis proches, les larmes et le trop plein d'émotions ne peuvent s'empêcher de sortir. On nous offre des cadeaux pour Nicolas, nous apprécions le geste, mais le coeur n'y est pas. Nous allons tous voir Nicolas, et tout le monde tente de nous rassurer, que ce n'est pas un monstre, que ça ne doit pas être si grave que ça. Sa jambre contorsionnée retient l'attention, mais pour notre part, c'est le moindre de nos soucis. Encore là, nous apprécions l'intention de nous rassurer et de rester positif, mais nous n'y croyons pas vraiment, nous nous devons d'être réalistes face aux constatations des médecins.

Anabelle arrive avec ses grand-parents. Je suis heureux de la voir, je la serre très fort dans mes bras. Je la conduis jusqu'à sa maman. Anabelle  est très heuseuse de revoir sa maman et très excitée de voir enfin son petit frère.

L'heure des visites achève. Peu à peu, les gens nous quittent. Nous restons seuls avec nous mêmes. Nous n'avons pas faim. Nous allons passer un peu de temps avec Nicolas, tenter de l'allaiter encore une fois et ça ne fonctionne toujours pas. On le nourrit à la cuillère. Nous le trouvons pas mal réveillé et aux aguets, nous tentons de nous faire croire que c'est un bon signe. Tout mon stress descend dans mon dos fragile, je peine à rester debout. En plus, j'ai un énorme rhume qui empire depuis deux jours.

Nous retournons dans notre chambre pour essayer de dormir. Je me couche dans le même lit simple que maman. Je la serre très fort dans mes bras, mais je ne peux trouver les mots pour la consoler, ni me consoler moi-même. Nous essayons de dormir. Mon coeur bat à toute allure, même si ça fait au moins une heure que je suis couché à essayer de dormir. Nous dormons par bloc de trente minutes au moins. Maman doit prendre la moitié du médicament pour réussir à dormir. Nous nous rendons ainsi jusqu'à six heures du matin.

Nous retournons voir Nicolas pour lui donner encore du collostrum à la cuillière. Le temps passe et allons déjeûner à la chambre. Il commence à être clair que l'allaitement au sein sera plus difficile que prévu. Maman veut que j'aille acheter un tire-lait à la pharmacie. Avec tout ce stress, je fais un mauvais mouvement et me barre le dos. Je dois alors me rendre à la réunion de nouveau parents où on nous parle de quoi faire avec le bébé à la maison. Je n'écoute même pas, mon bébé n'y va même pas à la maison. Je vois tous les visages béats des autres parents et j'éprouve une colère envers eux ou envers je ne sais quoi. Pourquoi mon bébé et pas le leur?

Je reviens à la chambre déprimé et je dis à maman que je vais aller à la pharmacie. Je tente de me rendre jusqu'à la voiture, mais j'en suis totalement incapable, mon dos ne me supporte plus. Je retourne de peine et misère à la chambre. L'infirmière qui me voit marcher comme un veillard me dit de prendre les médicaments contre la douleur de maman. Ce que je fais tout de suite, car les gens du Children sont arrivés pour transporter Nicolas.

Nous retournons à la pouponnière. Nous regardons les infirmières-ambulancières faire quelques tests sur Nicolas et le transférer dans un caisson de transport. C'est trop pour nous. Maman éclate en sanglots et moi je tente de me montrer fort pour elle, mais je ne peux retenir mes larmes. Je la serre dans mes bras, que puis-je faire de plus? Les infirmières et la pédiatre sont là mais ne savent pas quoi nous dire.

Nous quittons l'hôpital, laissant derrière nous Nicolas ainsi que notre beau rêve d'accouchement normal. Nous entrons de plein pied dans notre cauchemar.

Direction l'hôpital de Montréal pour enfant...




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