mardi 12 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la mort de mon fils (III)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

-----------------------------------------
Chronique 3 : Un peu d’espoir

Nous sommes le matin du 27 février 2013. Maman et moi sommes en route pour l’hôpital pour enfants de Montréal. Nous ne parlons pas beaucoup durant le trajet sauf s’il est question du chemin pour s’y rendre. J’essaye de ne pas penser du tout de peur d’être encore pris de panique.

Arrivés à l’hôpital, on nous dirige à l’unité néonatale de soins intensifs. Le personnel nous explique comment fonctionne l’unité, qu’il faut se laver les mains à chaque fois que nous entrons dans la salle des bébés. Je dois mettre un masque sur ma bouche à cause de mon rhume.

Nous rejoignons finalement Nicolas dans son petit caisson, au milieu d’une dizaine d’autres bébés. Nous sommes entourés d’infirmières, de tubes, de seringues et de moniteurs qui sonnent sans arrêt. L’hôpital étant un hôpital universitaire, une étudiante en externa est assignée à Nicolas. C’est sa première journée dans l’unité. Elle est très gentille tout comme le personnel infirmier. Maman tente une fois de plus d’allaiter au sein Nicolas qui ne coopère toujours pas.

Finalement, le médecin de garde vient examiner Nicolas d’un point de vue clinique (externe).  Il nous fait une fois de plus l’énumération des anomalies de Nicolas, mais il en rajoute : pli anormal du pavillon des oreilles, oreilles implantées basses, manque de vigueur, réflexe de préhension plutôt faible, longs doigts effilés, pouce qui ressemble plus à un 5e doigts qu’à un pouce, racine du nez plus large, espace entre les yeux un peu grand, etc. On dirait que la liste n’en finit plus. Il nous confirme qu’il n’y a rien de majeur dans ces anomalies. Dans la population la plupart des gens présentent une, deux ou trois altérations sans que ça ait un impact important. Nicolas en présente plus d’une dizaine et c’est ce qui laisse soupçonner un syndrome plus majeur. Il nous confirme par le fait même que selon lui, la position de sa jambe ne présente rien de grave et que ça devrait revenir à la normale dans quelques jours. Déjà en effet, nous avons l’impression qu’elle remonte moins haut.

Le médecin, une perle d’entre les perles, prend tout son temps pour nous expliquer en détails et nous dresser un plan de ce qui est prévu pour Nicolas. Il devra être vu en premier lieu par les gens de la génétique qui devront voir si un diagnostic évident est possible. Par la suite, d’autres examens de routine sont prévus, EEG, ECG, MRI, rayon X, échographie cardiaque, de l’abdomen, de la hanche, ORL, examen des yeux. Bref, pour voir si les organes internes fonctionnent bien. Pour le moment ses signes vitaux sont très stables, Nicolas est probablement le bébé le plus en ‘santé’ de l’unité. Sa vie n’est pas en danger. On nous apprend aussi sur le tas que Nicolas avait désaturé (manque d’oxygène) légèrement la nuit précédente. Ça ne nous inquiète pas plus que ça. S’il se nourrit bien et qu’il grandit, on pourra le ramener plus tôt que tard à la maison. Confiant j’affirme à maman que nous le ramènerons surement à la maison au courant de la semaine suivante. La sœur de maman arrive au même moment afin de nous donner un peu de réconfort, elle a de la peine pour nous. Il est difficile pour nous de voir la tristesse de nos proches, sentir leur impuissance, cela nous ramène à notre dure réalité.

Les gens de génétiques (une docteure et une étudiante) viennent nous voir et nous posent toutes sortes de question et dresse le bilan génétique de nos deux familles. Elles examinent Nicolas encore une fois, note les mêmes anomalies que précédemment. Elles nous quittent pour aller en discuter entre elles. Les minutes s’allongent, le temps passe. Maman et moi spéculons sur ce que pourrait être le diagnostic, mais honnêtement, nous n’y connaissons rien en maladie génétique. Tout à coup, je me mets à regretter amèrement de ne pas avoir poursuivi mes études de médecine.

Les gens de génétique reviennent finalement pour nous dire que Nicolas a plusieurs signes que l’on retrouve dans plusieurs syndromes, mais aucun n’est assez ‘important’ pour indiquer clairement un syndrome particulier. Ils doivent faire un caryotype pour avoir une image globale de ses gènes. Les résultats ne seront connus par contre que dans un mois. Nous sommes un peu déçus, il nous semble que tout ça serait plus facile à accepter si on nous disait tout de suite ce que Nicolas a, même si cela devait être grave. Mais ce n’est pas le cas. Tout nous est inconnu.

La journée se poursuit et maman finit, avec l’aide du personnel infirmier, à allaiter un petit peu Nicolas. Un poids énorme s’enlève de nos épaules. Pour une rare fois dans les 24 dernières heures, nous nous permettons de sourire et d’espérer. S’il peut téter, faire des progrès, c’est surement parce que Nicolas n’a rien de vraiment grave.  

Nous quittons l’hôpital quelques instants plus tard, le cœur un peu plus léger. Nous devons aller chercher notre fille Anabelle qui dort depuis deux jours chez ses grands-parents. Elle nous manque. Nous avons envie de nous en occuper, de retrouver un semblant de vie ‘normale’.

Le fait d’être à la maison, dans notre environnement, nous aide à décrocher. Moi peut-être plus que maman. Je joue avec Anabelle et pendant ce temps, j’oublie. Elle me ramène à la réalité. Cette nuit-là, nous dormons passablement bien (moi plus que maman). Nous voguons sur un nuage d’espoir. Tout ne peux qu’aller mieux à partir de maintenant, non?

4 commentaires:

  1. François, quoi dire suite à la lecture de ces trois chapitres sinon que je suis touchée que l'écriture te permettre de vivre et traverser cette épreuve que la vie vous présente. Je suis avec vous et pense à vous à tous les jours. Merci de partager avec nous vos sentiments, votre courage et surtout la réalité ainsi dite! Je vous admire et vous aime beaucoup!
    Marie-Hélène xxx

    RépondreSupprimer
  2. Merci Marie-Hélène. Pour un gars, c'est pas évident de s'exprimer. C'est ma façon. Merci de penser à nous.

    RépondreSupprimer
  3. Merci d'avoir relaté les évènements de cette façon. Cela permet de mieux comprendre les faits et votre réalité. Je pense à vous tous les jours. Bon courage François.
    Véronique xx

    RépondreSupprimer
  4. merci Véronique. C'est un peu pour ça aussi qu'on a décidé de l'écrire. Je dis on car ma douce me corrige et complète ce que j'écris. Ce sont des choses difficiles à dire de vive voix (peut-être plus avant qu'aujourd'hui) et l'écrire permet à tout ceux à qui on a pas eu la chance de parler de vive voix de connaître l'histoire.

    Merci de nous supporter.

    RépondreSupprimer