jeudi 14 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (V)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 5 : Les mauvaises nouvelles deviennent une habitude.
Vendredi 01 mars 2013
Le lendemain matin, nous prenons la matinée plus relaxe car Nicolas a son IRM vers 9 :00 AM,  cela nous évite de se pointer à l’hôpital si tôt. De mon côté, mon mal de dos est encore présent, mon rhume s’est transformé en sinusite et je fais une conjonctivite. C’est incroyable de voir comment le corps peut réagir au stress. Après la mauvaise nuit, nous n’avons pas très faim pour déjeuner.  Nous prenons un peu le temps de jouer avec Anabelle puis la reconduisons à la garderie.
Maman commence à avoir sa montée de lait. Généralement un moment heureux, car le bébé peut alors passer plus de temps au sein. Mais cette fois-ci, au lieu d’une belle petite bouche pleine de vigueur, ce n’est qu’une pompe qui reçoit le lait. Heureusement, à l’hôpital, ils ont tout l’équipement nécessaire pour que maman tire son lait et le réfrigère ou le congèle.
Lorsque nous arrivons à l’hôpital, Nicolas est revenu de son IRM. Nous apprenons que les résultats seront possiblement disponibles en fin de journée.  Ils ont aussi fait des tests métaboliques pour  voir s’il n’y aurait pas quelque chose dans le système de Nicolas qui fonctionnerait mal ou qui serait absent.
Nous recevons encore une fois la visite d’une amie aujourd’hui. Nous sommes chanceux, nous avons beaucoup de support autour de nous. Cette amie a aussi  un enfant ‘différent’ et elle comprend un peu le cheminement par lequel nous passons. 
Plus tard dans la journée, Nicolas subit un examen ophtalmique. Ça tombe bien, maman est optométriste, donc elle comprend bien ce qui se passe et les résultats qui en découlent. Nous apprenons que Nicolas a beaucoup d’hémorragies rétiniennes. Encore une autre fois, ce n’est pas nécessairement grave,  les hémorragies peuvent disparaitre avec le temps, ça arrive souvent chez les nouveau-nés mais l’ophtalmologiste trouve qu’il n’y en a vraiment beaucoup, comme si Nicolas était un bébé secoué. Elle nous  dit qu’elle va revenir avec une caméra pour prendre des photos du fond d’œil  et comme ça, ça sera plus facile de suivre son évolution dans 1 mois.   
Nicolas est maintenant branché en continu sur un EEG. Ils veulent surveiller l’évolution de son activité cérébrale pour voir si les médicaments et les vitamines qu’ils lui donnent font un effet ou pas.
L’ophtalmologiste revient pour prendre les photos de fond d’œil. Maman s’immisce pour regarder. En effet, il y a énormément d’hémorragies. Au moins, il n’y a pas de cataracte ou de décollement de rétine et le nerf optique semble normal.  
Vers la fin de la journée, le médecin en charge de Nicolas revient nous voir. Il sait que nous attendons impatiemment les résultats de l’imagerie. Il a des résultats, mais ils ne sont que partiels.  Je m’assoie sur une chaise, maman sur mes cuisses. J’ai un mauvais pressentiment. Il nous annonce que l’IRM montre un cerveau bien formé, les hémisphères son bien visible, son tronc cérébral et bien défini donc tout ça regarde très bien. Mais (êtes-vous surpris qu’il y ait un mais?), le docteur nous dit qu’il y a une image floue du lobe frontal gauche. Floue dans le sens que l’image est clair, mais qu’ils ne sont pas certain de ce que montre l’image. Donc à 100%, il ne peut nous dire que tout est beau. Ça pourrait être un artefact de l’IRM, ça pourrait être un défaut de myélinisation ou une malformation cérébrale. Dans les deux premiers cas, ça ne serait pas une mauvaise nouvelle, mais dans le deuxième cas, on ne sait pas ce que ça pourrait donner.
Nous sommes tout de même passablement inquiets. Nous retenons nos larmes avec un certain succès, le trop plein est sorti hier et nous commençons à être habitués aux mauvaises nouvelles. Ajouté aux convulsions notées sur l’EEG, ça commence à faire plusieurs symptômes au cerveau.  Le médecin nous explique que chez un nouveau-né, le cerveau est très malléable. Si une partie ne fonctionne pas comme il faut,  une autre partie peut prendre le relai. D’une certaine façon, ça me rassure un peu.  Il nous dit qu’il n’a pas les résultats de l’EEG que Nicolas a en ce moment et qu’ils vont le laisser brancher pour au moins 24 heures, mais s’il y avait quelque chose de vraiment grave, les neurologues seraient déjà venus cogner à sa porte.
 
Nous quittons l’hôpital peu après. Nous devons aller s’occuper d’Anabelle. Pour une 4e fois en une semaine, nous n’avons pas été en mesure d’aller la chercher à la garderie. Je commence à me dire qu’on la néglige un peu trop, mais comment conjuguer notre temps entre Nicolas et Anabelle?
Nous dormons passablement bien cette nuit-là. Il y a des moments plus difficiles, comme ceux ou maman doit descendre seule tirer son lait, tard dans la nuit, sur sa petite chaise à la lueur des petites lampes sous les armoires de cuisine. C’est encore plus déprimant quand on sait que Nicolas est maintenant nourrit au soluté et qu’on ne sait même pas si tout ça sert à quelque chose. On voit notre petit garçon dépérir à chaque jour avec de plus en plus de fils et de tubes branchés sur lui, de plus en plus de médicaments. Lors de notre arrivé à l’hôpital, il semblait être un petit garçon en santé, déformé, mais somme toute en santé. Maintenant, il nous apparaît encore plus fragile, plus fatigué, plus amorphe, plus absent, moins bien.
Nous nous couchons toujours en nous demandant ce que sera notre avenir et quelles sont nos possibilités, nos ressources. On se demande encore s’il ne serait pas mieux qu’il parte par lui-même afin de mettre  un terme à ses souffrances. Nous nous demandons encore si on doit avoir honte de penser de la sorte. Ce n’est pas une  question qu’un parent devrait avoir à se poser. On a beau nous dire que c’est normal d’y penser, mais on ne peut s’empêcher de culpabiliser. 



 


Nicolas Branché sur son EEG avec tous ses fils, tubes et intravieneuse

3 commentaires:

  1. Bonjour à vous,
    svp n'ayez crainte de vos émotions; elles sont là et vous envahissent et parfois vous submergent de façon si humaine, si entière. Votre amour pour votre Nicholas est réel, le doute se situe peut-être au niveau de votre capacité... à l'aimer. Aimez votre bébé sans rancune, sans rancoeur, la maladie, c'est elle que l'on aime pas. On en veut pas de complications; de maladie qui nous fait douter de notre capacité à faire ce qu'il faut et de le faire bien, on se sent si dépendant dans la situation que vous vivez. Tout votre possible est faisable et déjà amorcé envers Nicholas; le droit à l'aimer est indéniable. Mille et unes ressources sont en périphérie de vos jours si difficiles, de vos matins gris qui ne sont que les premiers. Bon courage. Que Nicholas soit une source d'inspiration et guide vos pas; la vie est belle et la nature se trompe parfois, sans qu'on y puisse rien. Que d'aimer et de cajoler avec encore le même amour que vous éprouviez à son attente, à la grossesse....envers cet enfant qui n'a pas choisi...et vous non plus. AH comme j'aimerais vous réconforter avec des mots plus forts, sans cliché déjà tout fait...
    Demain est un autre jour.
    Quelle bonne idée d'écrire, exutoire-miroir où le reflets de vos états d'âme se concrétise.
    Bonne journée -- c'est possible d'avoir une bonne journée (même si on le croit pas au début)-- M

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  2. @M

    Merci pour ces bons mots. Beaucoup de gens nous disent la même chose, on se dit nous-même la même chose, je ne sais juste pas si on y croit vraiment. Je ne sais pas non plus si c'est la maladie, l'enfant ou l'évaluation de notre capacité à lui donner tout ce qu'il aura besoin maintenant et dans le futur qui nous fait érpouver tous ces sentiments contradictoires. Seul le temps nous le dira.

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  3. Bonjour,
    Le temps est un allié, ne sert à rien d'aller vite parfois.
    Comme on est pas préparés, n'est-ce pas, à recevoir autant d'informations, de données, de valeurs inconnues, de mauvaises nouvelles qui sont reçues en si peu de temps. Si peu préparés à affronter une situation de grand bouleversement. Avec nos jolies vies bien ordonnées, on se retrouve en plein chaos, c'est dure, j'en suis sûre... Tellement de gens, d'intervenants, de rencontres; le tournis survient et les émotions à vif rendent si sensible au regard, à une moue, un ton, un mot pas vilainement dit par l'autre... mais qui vient nous accrocher. Parce que on est à "pic", fatigués, mal au corps et à l'âme. Encore heureux que le personnel médical demande l'avis des parents; voix au chapitre aux parents c'est primordial...Se faire regarder dans les yeux lorsqu'ils s'adressent aux parents est une marque de délicatesse, de reconnaissance, de validation; beaucoup savent parler aux parents... ne garder que ceux-là en mémoire pour se sentir appréciés, validés, reconnus. Pour plus tard: garder ceux-là en mémoire parce que le temps va passer et la douceur des infirmières, la gentillesse, les politesses qu'ils on eues envers vous et Nicholas devront faire partie de tout ceci en vous. Il y a tellement de bons intervenants, soignants, dévoués à leur clientèle.
    Allez bonne soirée et bonne rencontre demain! M

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