samedi 16 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon fils (VI)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 6 : La première fin de semaine

Samedi-Dimanche 02-03 mars 2013

C’est notre première fin de semaine depuis la naissance de Nicolas. Ça demande plus de stratégie, car la garderie est fermée. Nous devons partager notre temps entre Anabelle et Nicolas. Une amie de maman accepte de la garder pour l’après-midi. Nous sommes chanceux qu’Anabelle aime se faire garder par d’autres personnes qui vont lui donner toute leur attention. Mais d’abord, le cours de danse.

J’y vais avec Anabelle pendant que maman s’offre un repos bien mérité. Une autre maman du cours était enceinte et devait accoucher en même temps que nous. C’est une amie des professeurs de danse. Elles sont toutes excitées de nous annoncer que le bébé est né. Moi, je sens une certaine colère remonter et une envie. L’envie de changer de vie, de changer de place avec ceux qui sont si heureux d’accueillir un nouveau membre en santé dans la famille. Le cours de danse me change les idées. C’est une activité pour Anabelle, mais j’en profite également.

À notre arrivée à l’hôpital, il n’y avait rien de neuf à signaler pour Nicolas. La fin de semaine, c’est pas mal tranquille et ils font des examens seulement s’il y a urgence. Nicolas est encore branché sur son EEG. On nous avait dit 24 heures, mais semble-t-il qu’ils voulaient le surveiller encore un peu plus. Nous ne pouvons donc pas le prendre, nous nous contentons de lui faire quelques caresses et de lui parler. Sa mamie est venue nous rejoindre par la suite. Nous ne sommes pas supposés être 3 auprès du lit, mais les infirmières ne disent rien.

Un peu plus tard, nous recevons la visite du médecin de garde de fin de semaine qui s’adonne à être le neurologue en charge de Nicolas. Après ce que le médecin nous a dit la veille, nous ne nous attendons pas à vraiment plus de nouvelles, ni positive, ni négative. Elle l’examine et nous surveillons ces réactions. Elle lui fait les tests de réflex, Nicolas réponds bien. Enfin, c’est notre opinion.  Le médecin par contre nous dit qu’il répond trop à ses tests de réflex, qu’il est amorphe et quand il est réveillé, il est irritable. Son réflexe de préhension est mauvais, ses doigts son bizarres, etc. Son EEG montrait aussi des anormalités.

Maman lui demande finalement : ‘Est-ce qu’il y a quelque chose de positif?’ Et elle de répondre avec un petit sourire en coin : ‘Ben il bouge ses quatre membres’. Nous sommes restés stupéfaits devant ce commentaire sec et insipide balancé avec arrogance. Tout à coup la journée qui s’annonçait correct en bout de ligne prend tout à coup une tangente plus sombre. Le médecin quitte, maman et moi nous nous regardons, nous n’avons plus le goût d’être ici finalement.

Maman doit aller tirer son lait. Je l’y accompagne. Mamie reste dans la salle de famille car il doit toujours y avoir un des deux parents au chevet de Nicolas lors des visites. Maman tente de tirer son lait mais le moral n’y est pas. On se demande à quoi ça sert tout ça. On décide de partir tout de suite.

J’avertis mamie que si elle veut voir Nicolas une dernière fois c’était maintenant, car nous n’avons plus le goût d’être ici. Mamie part à contrecœur. Je vois bien qu’elle est triste et ne sait pas quoi dire, mais à ce moment-là, rien n’aurait pu changer notre état d’âme.

Nous retournons chercher Anabelle chez l’amie de maman. Anabelle dort encore. Maman s’effondre en larmes dans les bras de son amie. Nous passons quelques minutes à nous vider le cœur, à faire ressortir les émotions. On se sent aussi coupables de trainer la tristesse avec nous partout où nous allons. Nos hôtes ne savent trop quoi nous dire et partagent notre peine.

Lorsqu’Anabelle se réveille, sa bonne humeur nous force à essayer de retrouver le sourire mais le cœur y est moins. Nous retournons finalement à la maison. Durant cette soirée-là, maman et moi discutons beaucoup sur l’avenir et comment on l’envisage. Elle comme moi convenons que ni l’un ni l’autre ne sommes en mesure de lâcher complètement notre travail pour s’occuper à temps plein d’un enfant, cela  fait partie de notre équilibre psychologique.

En cherchant sur internet, nous trouvons l’association des mères Emmanuels. C’est une association qui s’occuper de trouver des familles adoptives pour des enfants qui ont un handicap qui peut aller de léger à profond. Maman décide d’écrire un courriel pour avoir plus d’informations. La directrice nous répond promptement en nous disant comprendre la situation que nous vivons et qu’il ne faut pas prendre une telle décision sur le coup de l’émotion, mais elle est prête à nous rencontrer pour nous présenter son association mais aussi nous présenter d’autres couples qui ont fait adopter leur enfant ou qui ont finalement décidé de le garder pour que nous ayons la vision des deux côtés de la médaille. Nous avons rendez-vous avec elle le 21 ou 22 mars prochain.

Je confie à maman un peu plus tard en soirée bizarrement, sachant qu’il y a peut-être une solution à notre situation, qu’on pourrait trouver éventuellement une famille qui serait prêt à lui donner le temps, l’attention et l’amour dont il aura besoin, je souhaite un peu moins que Nicolas parte de lui-même et je me sens un peu moins coupable. Je dis tout de même à maman que selon moi, on devrait prendre une journée de congé de l’hôpital pour se ressourcer, se reposer, se remettre de nos émotions pour être plus en forme pour la semaine qui vient. Et surtout aussi pour s’occuper d’Anabelle que l'on néglige un peu trop ces temps-ci. Surtout aussi que je suis épuisé tant psychologiquement que physiquement avec mon rhume-sinusite et mon mal de dos qui ne s’améliore pas.

Bon, ça c’était l’opinion du papa, pas de la maman qui a porté son enfant pendant neuf mois. On conclut que je m’occuperai d’Anabelle le dimanche et maman ira au chevet de Nicolas en après-midi. Je réalise avec une petite pointe d’amertume que l’attachement mère-enfant est plus fort que celui père-enfant dans les premiers temps après la naissance. Bon, je ne m’en fait pas trop car la même chose s’était produite avec Anabelle, mais je me demande si cet attachement sera plus tardif ou même existant maintenant que je sais que Nicolas sera différent.

* * *

Bon pour le dimanche, je n’étais pas auprès de Nicolas, donc je ne peux que relater ce qui s’est produit. Mais pour ma part, j’ai dormi autant qu’Anabelle pendant sa sieste. Mais comme le soir, ce n’est jamais un repos qui nous ressource complètement.

Maman s’est rendue à l’hôpital avec un couple d’ami. Il n’y a rien de vraiment nouveau au point de vue tests ou résultats, mais Nicolas a encore désaturé quelques fois.  Même qu’un de nos amis a dû aller chercher lui-même une infirmière car personne ne venait voir Nicolas lors d’une de ses désaturations.
 
Nicolas était encore branché sur son EEG pour une autre période de 24 heures. Ils devaient voir quelque chose de vraiment anormal s’ils le laissent branché aussi longtemps. Au moins, maman n’avait pas rencontré de nouveau le médecin ..disons, moins sympathique.

L’autre fait nouveau est que les infirmières ont changé Nicolas de salle. Il quitte les soins intensifs pour les soins intermédiaires, car c’est un  bébé en moins mauvais état que les autres et qu’ils ont besoin de place dans la salle.

Nous naviguons à travers cette première fin de semaine avec des émotions en montagnes russes, mais nous savons que la prochaine semaine s’annonce tumultueuse.


1 commentaire:

  1. Quelle bonne idée d'aller chercher de l'information chez l'association des mères Emmanuels. Ça ne peut que vous apporter du support, de l'aide et de judicieux conseis de gens qui vivent la même réalité que vous. Je vais penser à vous le 21 et le 22.
    Catherine xxx

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