mercredi 20 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon fils (VIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 8 : DNR

Mardi 05 mars – Jeudi 07 mars 2013

Le reste de la semaine se déroule normalement. Nicolas s’est stabilisé au niveau des saturations. Après quatre jours branchés sur l’EEG, ils lui retirent enfin. Ils ont assez de données. Les échos qu’on en a ne sont pas très encourageants, mais ils nous feront   un résumé dans deux jours.

On trouve que généralement, son état s’améliore un peu. Le médecin de garde aussi trouve que cliniquement, il s’est amélioré un peu. Nicolas n’est pas encore capable de prendre le biberon, mais il tête sa suce plus vigoureusement, ce que l’on trouve  positif.

Les résultats pour ses tests métaboliques rentrent tranquillement, ils sont tous corrects, rien à signaler. Les médecins n’y croient pas vraiment, mais ils veulent être certains de pouvoir éliminer ces possibilités.

Pendant ce temps, nous rencontrons finalement la psychologue. Évidemment, maman parle pas mal plus que moi. Nous exprimons nos sentiments et notre culpabilité de les ressentir. La psychologue nous écoute et nous fait comprendre que ce sont toutes des réactions normales à ressentir et aussi à exprimer. Nous lui faisons aussi part de nos réflexions quant au futur que nous envisageons  pour Nicolas. Pour l’instant, nous parlons plus d’adoption, car c’est l’unique solution que nous entrevoyons et ce sont les seules démarches qui pour l’instant ont donné quelque chose de plutôt concret. Elle nous permet de voir la situation un peu différemment. C’est la première fois que maman et moi consultons un spécialiste. Ça se passe généralement bien. On verra avec le temps.

Vient finalement le fameux jeudi. On nous confirme qu’on nous rencontrera vraiment aujourd’hui. La réunion se fait attendre. Les gens de néo natalité attendent ceux de neurologie et de génétique, mais ils ne répondent pas à leurs appels.

Puis finalement, le médecin de garde vient nous chercher. Nous entrons dans la salle de conférence et nous sommes surpris de voir qu’il n’y a que le médecin de garde, l’étudiante et le travailleur social. Personne de neurologie ou de génétique. Ils nous disent qu’ils ont eu une rencontre avant et qu’ils ne sont pas restés. Nous sommes un peu déçus  car nous avions plusieurs questions spécifiques à leur adresser.

Nous n’apprenons rien de vraiment nouveau durant cette rencontre. C’est uniquement pour nous faire un résumé de la situation.  Le médecin nous dit qu’il y a deux choses importantes à noter chez Nicolas. Tout d’abord, il y a ces multiples malformations physiques qui sans aucun doute proviennent d’un syndrome génétique quelconque. Puis il y a son cerveau. Pour lui, c’est ce qui est très anormal chez Nicolas, plus que les malformations. Donc ils recherchent un syndrome génétique qui expliquerait tout d’abord ses convulsions, son EEG anormal et son IRM. Ils soupçonnent deux séquençages de gènes : ARX et  MBT. Ils ont demandé des tests sur ces deux gènes. Il nous dit que si jamais un des deux gènes revient positif, les conséquences au niveau développement ne sont pas du tout favorables. De plus, pour son IRM, si ce qu’ils ont est une malformation au cerveau, ce n’est positif. Et pour finir, il nous dit que les convulsions, s’ils peuvent les contrôler, c’est bien, mais que son EEG anormal (burst-suppression), ça fait partie de lui et que ça, c’est vraiment, vraiment inquiétant. Il ne peut nous en dire plus, mais selon ce qu’il dit, nous entrevoyons très certainement un retard intellectuel et psychomoteur de modéré à sévère. Bon, nous nous étions déjà fait à l’idée, mais ça reste un choc pareil. Maman remarque qu’ils ont installé une boîte de mouchoirs près d’elle. Mais nous nous contenons cette fois-ci. On dirait que nous sommes vides d’émotions pour ce genre de nouvelles.

Et c’est à ce moment que le médecin commence à nous parler du DNR (Do Not Ressucitate). Il nous explique qu’étant donné la situation de Nicolas, de son état neurologique et parce que nous avions déjà abordé la question, il se pourrait que Nicolas ait besoin éventuellement de réanimation dans le cas où il ferait une très grave convulsion. Il veut savoir si nous voulons qu’ils s’acharnent sur Nicolas pour le réanimer. Nous en avons déjà discuté beaucoup maman et moi. Maman leur  confirme notre décision catégoriquement. Le médecin a besoin d’avoir aussi mon accord. Je le donne avec un peu plus d’hésitations (Prendre des décisions catégoriques n’est pas mon fort.) Mais je me reprends peu après. D’un ton plus affirmatif, je confirme que c’est aussi ce que je veux.
 
Pour la première fois, nous venons de prendre une décision qui pourrait éventuellement mener à la mort de notre enfant. Même si c’est peu probable, c’est une décision lourde de sens avec un poids énorme à porter. Une décision que nous n’avions jamais pensé prendre. Pour nous, c’est contre nature pour un père et une mère. Quel parent voudrait faire face à ce choix ?

1 commentaire:

  1. Bonjour.
    Me doutant que ce n'est pas une vraie question, j'aimerais quand même dire ceci:
    Non, personne ne voudrait prendre cette décision. C'est bien évident: Non, personne ne veut être confronté à la déchirure d'une telle réponse et tout ce qui vient avec...Aucun parent ayant souhaité donner la vie ne souhaiterait désirer l'ôter. Au jour futur où tous les gestes possibles ont été faits, survient une idée: libérer cet enfant . On a vu & entendu: le cas de M. Mortimer dans l'ouest canadien: question d'éthique, d'amour, où un jour la vie de l'enfant aimée n'est plus que souffrance aux yeux du parent qui lui a offert tous les soins, tous les soutiens, la présence aimante et constante de chaque instant; parfois un parent peut se poser la question quasi inévitable: jusqu'où mon enfant pourra-til supporter de souffrir? Qu'est-ce qui pourrait justifier mon geste? Grande question existentielle où pour ma part je ne saurais juger qui que ce soit. Conclusion de mois, voire d'années de dons de soi, de réflexions intenses; qui est apte à juger ce qui peut mener à de telles conclusions? Les lois sont là pour encadrer un système, une société malheureusement parfois déficiente, mettre des barèmes, on ne peut empêcher des souhaits qui peuvent sembler si drastiques aux yeux de plusieurs. Qui porterait un blâme à qui que ce soit devrait avoir vécu ce chemin...La mort c'est une délivrance, un départ et la vie nous y mène aussi sûrement que le premier jour où nous avons ouvert les yeux.
    Vos réflexions sont belles et si équilibrées. Je vous redis quelques encouragements de sollicitude et de paix malgré tous les dilemmes & questionnements qui surviennent.
    M03.22

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