vendredi 22 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (IX)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 9 : Nous n’avions pas pensé au pire

Vendredi 8 mars – Dimanche 10 mars 2013

Pendant la réunion de la veille, nous avions posés beaucoup de question sur les possibilités qui s’offraient à nous dans l’éventualité où Nicolas sortirait de l’hôpital. On nous avait référé à l’infirmière aidant aux familles qui s’occupe des suivis de patients disons plus compliqués.

Le vendredi, nous rencontrons celle-ci. Elle a consulté les médecins préalablement pour se familiariser avec le cas de Nicolas. Elle nous parle des différentes possibilités, mais surtout rattaché au fait de ramener Nicolas avec nous à la maison et non pas de placements ou de familles d’accueil.

Le principal aspect qu’elle nous fait réaliser, c’est que Nicolas est un être très fragile et que si on le ramène à la maison, il y a une bonne chance qu’il y décède, même dans la première année. Elle nous raconte qu’elle a vu plusieurs patients du même genre que Nicolas et que ça arrivait régulièrement et que si jamais on ramenait Nicolas à la maison, il fallait se préparer à cette éventualité. On n’y avait pas pensé. On avait imaginé qu’il pourrait mourir à l’hôpital, mais pas à la maison, pas dans nos bras. Encore pire, j’imagine qu’il meurt dans les bras d’Anabelle ou bien que cette dernière le retrouve mort le matin. J’en tremble d’effroi, ça serait vraiment le pire des scénarios. D’ailleurs elle nous dit qu’une famille avait fait un blogue à ce propos (c’est de là que m’est venue l’idée d’écrire ces chroniques).

Elle nous parle aussi du Phare –Enfants Famille. C’est un endroit qui, entre autre, pourrait nous permettre de faire une transition entre l’hôpital et la maison pour s’assurer que nous savons bien comment prendre soin de Nicolas avec toute l’attention dont il aura besoin. C’est un milieu plus naturel, plus conviviale que l’hôpital. On peut y coucher avec notre enfant, même avec toute notre famille. Il y a toujours des infirmières pour nous aider avec les soins particuliers du bébé et pour nous aider dans les manœuvres de réanimation. Nous trouvons l’idée très intéressante.

Pour ce qui est du placement d’enfants, elle nous dit que la principale ressource est Marie-enfant, mais qu’ils ne prennent que très rarement des gens en dehors de Montréal.

Finalement, nous sortons de cette réunion plutôt déboussolés et perturbés. Cette rencontre nous fait voir le cas de Nicolas beaucoup plus grave que nous l’imaginions jusqu’à présent.

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Le samedi, nous décidons d’amener Anabelle voir son petit frère pour la première fois. Elle aussi en a rêvé pendant de longs mois. Elle semble bien excitée. Elle est tout sourire quand elle voit son petit frère. Elle lui parle, lui touche. Elle veut même le prendre. Nous l’assoyons sur une chaise et elle le berce quelques instants. Au premier son de sa voix, Nicolas ouvre les yeux. Il doit avoir reconnu cette voix qui parlait sans cesse pendant la grossesse. Anabelle lui chante même une petite chanson. Elle est aussi attentionnée que nous  l’avions imaginé.

C’est une image indescriptible. Un instant de bonheur où tous les malheurs peuvent être oubliés. Pendant ce bref instant, nous réalisons ce qu’aurait été la vie à la maison avec un enfant en santé. Mais cela nous fait réaliser en même temps à quel point ce rêve s’éloigne. C’est un autre deuil à faire.

Pour récompenser Anabelle de son bon comportement à l’hôpital, nous l’amenons dîner au restaurant.  Nous allons au Boston Pizza où nous apprenons que c’est un spécial enfant (repas gratuit). Nous sommes donc entourés de familles et d’enfants. Nous regardons les familles de deux enfants et nous ressentons toute la tristesse mais aussi la jalousie de ne pas pouvoir en faire partie. Pas pour l’instant dans tous les cas.

Nous avons encore du cheminement personnel à faire.

Nous revenons à la maison et nous couchons Anabelle. Nous sommes très fatigués de la semaine, de la journée. Maman doit tirer son lait. Moi je tente de me changer les idées sur l’ordinateur. À un moment, je retourne dans la cuisine et trouve maman en larmes. Je tente de la consoler du mieux que je peux. Je l’invite à venir faire une sieste avec moi. Quand nous dormons, au moins, nous oublions tout.

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Le dimanche est une belle journée, ensoleillée avec une douce température. Une journée pour aller se promener en poussette avec un bébé. Mais pas nous. Nous retournons à l’hôpital. Nous laissons Anabelle avec son papi et sa mamie. Nous avons l’impression de vivre deux vies séparées; une vie à la maison avec notre fille et une autre  vie à l’hôpital avec notre fils. Maman parle avec d’autres mamans qui vivent aussi des drames terribles. Nous voyons leur espoir que le bébé aille mieux. Dans un sens, ça nous fait mal, car nous, nous n’avons pas l’espoir qu’il aille mieux. On ne peut qu’espérer qu’il ne soit pas trop mal. Nous souhaitons encore que Nicolas décide de partir de lui-même, qu’il lâche prise de tous ces tests, électrodes, moniteurs et tubes. Mais d’un autre côté, lorsque nous partons le soir, nous ressentons de la culpabilité à le laisser là, tout seul, au milieu de toutes ces machines, même si nous savons qu’il est aux petits soins des infirmières.

Nicolas est maintenant gavé en continu, car les médecins ont l’impression que lui donner des trop grandes quantités de lait à la fois est trop pour lui. Il a tendance entre autre à faire des reflux. Nous sommes un peu déçus, on aurait aimé lui faire prendre au moins un peu le biberon. Mais ça sera pour une autre fois.

Tout ce drame nous fait réaliser à quel point nous sommes bien entourés. Les gens autour de nous, autant les amis, collègues de travail ou famille nous supportent grandement de la manière qu’ils peuvent. Encore aujourd’hui, on nous a laissé des petits plats à la maison. C’est une toute petite attention, mais qui réchauffe le cœur un tout petit peu.

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