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Chronique 9 : Nous n’avions pas pensé au pire
Vendredi 8 mars – Dimanche 10 mars
2013
Pendant la réunion de la veille, nous avions posés beaucoup de question sur les possibilités qui s’offraient à nous dans l’éventualité où Nicolas sortirait de l’hôpital. On nous avait référé à l’infirmière aidant aux familles qui s’occupe des suivis de patients disons plus compliqués.
Le vendredi, nous rencontrons
celle-ci. Elle a consulté les médecins préalablement pour se familiariser avec
le cas de Nicolas. Elle nous parle des différentes possibilités, mais surtout
rattaché au fait de ramener Nicolas avec nous à la maison et non pas de
placements ou de familles d’accueil.
Le principal aspect qu’elle nous
fait réaliser, c’est que Nicolas est un être très fragile et que si on le
ramène à la maison, il y a une bonne chance qu’il y décède, même dans la première
année. Elle nous raconte qu’elle a vu plusieurs patients du même genre que
Nicolas et que ça arrivait régulièrement et que si jamais on ramenait Nicolas à
la maison, il fallait se préparer à cette éventualité. On n’y avait pas pensé.
On avait imaginé qu’il pourrait mourir à l’hôpital, mais pas à la maison, pas
dans nos bras. Encore pire, j’imagine qu’il meurt dans les bras d’Anabelle ou
bien que cette dernière le retrouve mort le matin. J’en tremble d’effroi, ça
serait vraiment le pire des scénarios. D’ailleurs elle nous dit qu’une famille
avait fait un blogue à ce propos (c’est de là que m’est venue l’idée d’écrire
ces chroniques).
Elle nous parle aussi du Phare
–Enfants Famille. C’est un endroit qui, entre autre, pourrait nous permettre de
faire une transition entre l’hôpital et la maison pour s’assurer que nous
savons bien comment prendre soin de Nicolas avec toute l’attention dont il aura
besoin. C’est un milieu plus naturel, plus conviviale que l’hôpital. On peut y
coucher avec notre enfant, même avec toute notre famille. Il y a toujours des
infirmières pour nous aider avec les soins particuliers du bébé et pour nous
aider dans les manœuvres de réanimation. Nous trouvons l’idée très
intéressante.
Pour ce qui est du placement
d’enfants, elle nous dit que la principale ressource est Marie-enfant, mais
qu’ils ne prennent que très rarement des gens en dehors de Montréal.
Finalement, nous sortons de cette
réunion plutôt déboussolés et perturbés. Cette rencontre nous fait voir le cas
de Nicolas beaucoup plus grave que nous l’imaginions jusqu’à présent.
*
* *
Le samedi, nous décidons d’amener
Anabelle voir son petit frère pour la première fois. Elle aussi en a rêvé
pendant de longs mois. Elle semble bien excitée. Elle est tout sourire quand
elle voit son petit frère. Elle lui parle, lui touche. Elle veut même le
prendre. Nous l’assoyons sur une chaise et elle le berce quelques instants. Au
premier son de sa voix, Nicolas ouvre les yeux. Il doit avoir reconnu cette
voix qui parlait sans cesse pendant la grossesse. Anabelle lui chante même une
petite chanson. Elle est aussi attentionnée que nous l’avions imaginé.
C’est une image indescriptible. Un
instant de bonheur où tous les malheurs peuvent être oubliés. Pendant ce bref
instant, nous réalisons ce qu’aurait été la vie à la maison avec un enfant en
santé. Mais cela nous fait réaliser en même temps à quel point ce rêve
s’éloigne. C’est un autre deuil à faire.
Pour récompenser Anabelle de son
bon comportement à l’hôpital, nous l’amenons dîner au restaurant. Nous allons au Boston Pizza où nous apprenons
que c’est un spécial enfant (repas gratuit). Nous sommes donc entourés de
familles et d’enfants. Nous regardons les familles de deux enfants et nous
ressentons toute la tristesse mais aussi la jalousie de ne pas pouvoir en faire
partie. Pas pour l’instant dans tous les cas.
Nous avons encore du cheminement personnel
à faire.
Nous revenons à la maison et nous
couchons Anabelle. Nous sommes très fatigués de la semaine, de la journée.
Maman doit tirer son lait. Moi je tente de me changer les idées sur
l’ordinateur. À un moment, je retourne dans la cuisine et trouve maman en
larmes. Je tente de la consoler du mieux que je peux. Je l’invite à venir faire
une sieste avec moi. Quand nous dormons, au moins, nous oublions tout.
*
* *
Le dimanche est une belle journée,
ensoleillée avec une douce température. Une journée pour aller se promener en
poussette avec un bébé. Mais pas nous. Nous retournons à l’hôpital. Nous
laissons Anabelle avec son papi et sa mamie. Nous avons l’impression de vivre
deux vies séparées; une vie à la maison avec notre fille et une autre vie à l’hôpital avec notre fils. Maman parle
avec d’autres mamans qui vivent aussi des drames terribles. Nous voyons leur
espoir que le bébé aille mieux. Dans un sens, ça nous fait mal, car nous, nous
n’avons pas l’espoir qu’il aille mieux. On ne peut qu’espérer qu’il ne soit pas
trop mal. Nous souhaitons encore que Nicolas décide de partir de lui-même,
qu’il lâche prise de tous ces tests, électrodes, moniteurs et tubes. Mais d’un
autre côté, lorsque nous partons le soir, nous ressentons de la culpabilité à
le laisser là, tout seul, au milieu de toutes ces machines, même si nous savons
qu’il est aux petits soins des infirmières.
Nicolas est maintenant gavé en
continu, car les médecins ont l’impression que lui donner des trop grandes
quantités de lait à la fois est trop pour lui. Il a tendance entre autre à
faire des reflux. Nous sommes un peu déçus, on aurait aimé lui faire prendre au
moins un peu le biberon. Mais ça sera pour une autre fois.
Tout ce drame nous fait réaliser à
quel point nous sommes bien entourés. Les gens autour de nous, autant les amis,
collègues de travail ou famille nous supportent grandement de la manière qu’ils
peuvent. Encore aujourd’hui, on nous a laissé des petits plats à la maison.
C’est une toute petite attention, mais qui réchauffe le cœur un tout petit peu.
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