dimanche 24 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XI)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 11 : La Pause Déprime

Vendredi 15 mars – Dimanche 17 mars.

Le lendemain, je décide de prendre une pause d’hôpital. Maman s’y rend seule. Je me dis que j’ai besoin de me changer les idées, de prendre un peu soin de moi. Maman décide d’aller tout de même à l’hôpital. Elle sent que Nicolas a besoin de se faire bercer, se faire prendre dans les bras. Maman aussi ressent le besoin de le prendre. Elle aime bien  s’en occuper. C’est l’instinct maternel je crois.

De mon côté, même si je suis à la maison, je commence à déprimer un peu. Je ressens une certaine culpabilité de ne pas ressentir un attachement envers Nicolas, mais aussi la culpabilité de ne pas avoir le désir d’en ressentir. Je sens que tranquillement, maman et moi empruntons des chemins qui divergent un peu alors que précédemment, nous voguions solidement côtes-à-côtes, cela m’attriste.

Lorsqu’elle revient, elle m’annonce des nouvelles plutôt positives. Elle a parlé à la généticienne et il semblerait que la malformation du chromosome se soit produite après la fécondation, donc peu probable que nous en soyons porteur. Avec l’ergothérapeute, maman a réussi à donner 10 ml de lait à Nicolas, ce qui est un bon progrès. De plus, on apprend que l’EEG de contrôle semble s’être amélioré avec les médicaments et que tout est sous contrôle. Mais rien n’est certain, nous devons attendre le rapport final. Ils ont aussi diminué son flot d’air dans ses canules nasales et Nicolas respire bien malgré tout.

Elle m’annonce tout ça avec de l’espoir dans la voix. C’était une bonne journée pour elle et Nicolas. Et moi avec ma déprime et mon nuage noir qui flotte au-dessus de ma tête, je ne suis pas capable d’en être réjoui. Au contraire, j’en suis un peu déçu. J’en suis encore à me dire que si son état se détériorait et qu’il partait de ses propres ailes, cela serait plus facile pour tout le monde. Je me demande comment un père peut penser de la sorte, tout est contradictoire. Qu’il aille mieux ou pire, je suis incapable d’en ressentir un peu de joie ou de satisfaction.

Par ailleurs, la généticienne  a confirmé qu’elle devait faire plus de tests pour connaître exactement la nature de la délétion et qu’elle soupçonnait une atteinte mosaïque, c’est-à-dire que certaines cellules de Nicolas n’aurait pas de délétion et que certaines en aurait.

Le dimanche, nous retournons voir Nicolas avec sa grande soeur. Tout se passe bien encore une fois. Elle est toujours aussi attentionnée et douce avec son petit frère. Nous avons ajouté un mobile au lit de Nicolas et collé un dessin qu’Anabelle a fait pour lui. Nous ne pouvons pas rester longtemps, car nous allons à la cabane à sucre par la suite avec toute la famille de maman.

C’est la première fois que nous voyons certains d’entre eux depuis la naissance de Nicolas. Nous y allons entre-autre pour la fête de la sœur de maman. Nous sommes heureux de les voir, mais nous avons un peu peur de monopoliser l’attention avec notre situation et de détourner l’attention qui devrait aller à d’autres pour cette journée. Heureusement, la cabane à sucre n’est pas nécessairement un endroit propice pour des discussions intimes. Il y a beaucoup de bruit et nous sommes assis en rangés. On voit que la famille ne sait pas trop quoi dire et qu’ils n’osent pas aborder le sujet d’emblée. Puis vient un moment où ça devient inévitable. Maman passe quelques minutes pour mettre la famille à jour et pour partager notre peine et nos sentiments.

Puis, l’ambiance de cabane à sucre se réinstalle en même temps que le dessert et tout redevient  disons, ‘normal’. Nous terminons le dîner par une promenade en carriole tirée par des chevaux. Anabelle s’amuse bien, même s’il fait très froid. Nous revenons à la maison pour tenter de souffler un peu. On dirait que tous les jours, toutes les minutes, toutes les secondes sont épuisantes autant pour le physique que pour le moral. Et tout le repos ou toutes les distractions du monde ne nous aide pas à nous remettre d’aplomb.

Nous sommes aussi plus irritables, fatigués et impatients, Malheureusement, c’est souvent Anabelle qui en paie le prix. Surtout venant de moi. Déjà qu’auparavant, elle avait le don de me faire sortir de mes gonds, c’est encore pire maintenant. Cela m’attriste beaucoup. La colère ne dure jamais longtemps, mais je n’aime pas ce que je vois de moi, je n’aime pas ce que je ressens en moi. Anabelle aussi sent toute notre détresse. Elle demande plus d’attention, elle est aussi plus irritable et nous peinons à lui donner ce dont elle a besoin. Nous sommes avec elle physiquement, mais en même temps, notre esprit est ailleurs.

Maman a écrit au centre de réadaptation pour déficience intellectuel pour tenter d’obtenir des informations sur les ressources disponibles et les possibilités, mais nous avons peu d’espoir qu’il nous répondre, car on doit normalement contacter le CLSC qui doit d’abord être contacté par le travailleur social de l’hôpital. C’est pas mal complexe.
 
Vers la fin de l’après-midi de ce même dimanche, je retrouve maman effondrée, assise sur le plancher de la cuisine, en pleurs. C’est comme un second choc, la deuxième vague d’émotions, celle qui confirme après le diagnostic que tout cela est vraiment réel et que l’espoir du retour à la ‘normalité’ est bel et bien éteint. Nous devons être réalistes, notre fils est bel et bien handicapé.

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