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Chronique 11 : La Pause Déprime
Vendredi 15 mars – Dimanche 17
mars.
Le lendemain, je décide de prendre
une pause d’hôpital. Maman s’y rend seule. Je me dis que j’ai besoin de me
changer les idées, de prendre un peu soin de moi. Maman décide d’aller tout de
même à l’hôpital. Elle sent que Nicolas a besoin de se faire bercer, se faire
prendre dans les bras. Maman aussi ressent le besoin de le prendre. Elle aime
bien s’en occuper. C’est l’instinct
maternel je crois.
De mon côté, même si je suis à la
maison, je commence à déprimer un peu. Je ressens une certaine culpabilité de
ne pas ressentir un attachement envers Nicolas, mais aussi la culpabilité de ne
pas avoir le désir d’en ressentir. Je sens que tranquillement, maman et moi
empruntons des chemins qui divergent un peu alors que précédemment, nous
voguions solidement côtes-à-côtes, cela m’attriste.
Lorsqu’elle revient, elle m’annonce
des nouvelles plutôt positives. Elle a parlé à la généticienne et il semblerait
que la malformation du chromosome se soit produite après la fécondation, donc
peu probable que nous en soyons porteur. Avec l’ergothérapeute, maman a réussi
à donner 10 ml de lait à Nicolas, ce qui est un bon progrès. De plus, on
apprend que l’EEG de contrôle semble s’être amélioré avec les médicaments et
que tout est sous contrôle. Mais rien n’est certain, nous devons attendre le
rapport final. Ils ont aussi diminué son flot d’air dans ses canules nasales et
Nicolas respire bien malgré tout.
Elle m’annonce tout ça avec de
l’espoir dans la voix. C’était une bonne journée pour elle et Nicolas. Et moi
avec ma déprime et mon nuage noir qui flotte au-dessus de ma tête, je ne suis
pas capable d’en être réjoui. Au contraire, j’en suis un peu déçu. J’en suis
encore à me dire que si son état se détériorait et qu’il partait de ses propres
ailes, cela serait plus facile pour tout le monde. Je me demande comment un
père peut penser de la sorte, tout est contradictoire. Qu’il aille mieux ou
pire, je suis incapable d’en ressentir un peu de joie ou de satisfaction.
Par ailleurs, la généticienne a confirmé qu’elle devait faire plus de tests
pour connaître exactement la nature de la délétion et qu’elle soupçonnait une
atteinte mosaïque, c’est-à-dire que certaines cellules de Nicolas n’aurait pas
de délétion et que certaines en aurait.
Le dimanche, nous retournons voir
Nicolas avec sa grande soeur. Tout se passe bien encore une fois. Elle est
toujours aussi attentionnée et douce avec son petit frère. Nous avons ajouté un
mobile au lit de Nicolas et collé un dessin qu’Anabelle a fait pour lui. Nous
ne pouvons pas rester longtemps, car nous allons à la cabane à sucre par la
suite avec toute la famille de maman.
C’est la première fois que nous
voyons certains d’entre eux depuis la naissance de Nicolas. Nous y allons entre-autre
pour la fête de la sœur de maman. Nous sommes heureux de les voir, mais nous
avons un peu peur de monopoliser l’attention avec notre situation et de
détourner l’attention qui devrait aller à d’autres pour cette journée.
Heureusement, la cabane à sucre n’est pas nécessairement un endroit propice
pour des discussions intimes. Il y a beaucoup de bruit et nous sommes assis en
rangés. On voit que la famille ne sait pas trop quoi dire et qu’ils n’osent pas
aborder le sujet d’emblée. Puis vient un moment où ça devient inévitable. Maman
passe quelques minutes pour mettre la famille à jour et pour partager notre
peine et nos sentiments.
Puis, l’ambiance de cabane à sucre
se réinstalle en même temps que le dessert et tout redevient disons, ‘normal’. Nous terminons le dîner par
une promenade en carriole tirée par des chevaux. Anabelle s’amuse bien, même
s’il fait très froid. Nous revenons à la maison pour tenter de souffler un peu.
On dirait que tous les jours, toutes les minutes, toutes les secondes sont
épuisantes autant pour le physique que pour le moral. Et tout le repos ou
toutes les distractions du monde ne nous aide pas à nous remettre d’aplomb.
Nous sommes aussi plus irritables,
fatigués et impatients, Malheureusement, c’est souvent Anabelle qui en paie le
prix. Surtout venant de moi. Déjà qu’auparavant, elle avait le don de me faire
sortir de mes gonds, c’est encore pire maintenant. Cela m’attriste beaucoup. La
colère ne dure jamais longtemps, mais je n’aime pas ce que je vois de moi, je
n’aime pas ce que je ressens en moi. Anabelle aussi sent toute notre détresse.
Elle demande plus d’attention, elle est aussi plus irritable et nous peinons à
lui donner ce dont elle a besoin. Nous sommes avec elle physiquement, mais en
même temps, notre esprit est ailleurs.
Maman a écrit au centre de
réadaptation pour déficience intellectuel pour tenter d’obtenir des
informations sur les ressources disponibles et les possibilités, mais nous
avons peu d’espoir qu’il nous répondre, car on doit normalement contacter le
CLSC qui doit d’abord être contacté par le travailleur social de l’hôpital.
C’est pas mal complexe.
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