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Chronique 12 : L’ébauche de Choix Difficiles
Lundi 18 mars – Mercredi 20 mars.
Le lundi, il n’y a rien de vraiment nouveau. Nicolas prend le biberon pour quelques millilitres. C’est quand même un bon signe, un progrès vers la fin du gavage. L’urologue vient nous voir pour nous confirmer ses problèmes d’enflure aux reins, allant de léger à modéré et de reflux étant somme tout léger. Nicolas devra avoir un autre suivi à l’âge de 3 mois. Maman sent un attachement de plus en plus fort envers son fils, l’être fragile qu’elle tient dans ses bras, mais elle rejette toujours la maladie. Moi? L’attachement se fait toujours attendre.
C’est le mardi que les choses
s’accélèrent et qui nous mènerons vers la présentation des choix déchirants. Nous
avons tout d’abord une rencontre de groupe avec l’infirmière de soutien aux
familles/ soin palliatif et le médecin de garde. Ils nous présentent la
situation de Nicolas, qui n’a pas tellement changé dans les derniers jours. Par
la suite, on nous demande encore une fois de penser à ce que nous voulons et ne
voulons pas pour Nicolas. Comment on veut que la suite de sa vie soit vécue. On
nous parle de confort, normalité, longévité, que des types de soins peuvent
être arrêtés ou modifiés selon ce que nous déciderions. Par exemple, on avait
déjà signé un DNR en cas d’arrêt cardiaque. Le problème de Nicolas étant
respiratoire, nous avons une décision à prendre dans l’éventualité où ils
seraient obligés de l’intubé. D’après eux, cela voudrait dire que le cerveau se
détériore et l’intubation est très invasive. Selon tous les gens présents, ça
serait contraire à l’intérêt de l’enfant. Nous avons donc rajouté cette partie
au DNR.
Nous discutons aussi des
possibilités de le ramener à la maison avec toutes ces machines ou sans ses
machines. On nous explique que tout est possible selon ce que nous décidons,
mais nous devons aussi comprendre les conséquences possibles de nos choix. Il
se peut très bien que Nicolas décède à la maison si nous le ramenons sans aide
à la respiration. L’infirmière nous explique aussi qu’on pourrait, si c’était
ce que nous voulions pour Nicolas d’arrêter de le gaver et lui donner
uniquement ce qu’il est capable de prendre au biberon. Si c’est 10 ml par tétée,
bien ça sera ça. Mais encore là, faut être prêt à vivre avec les conséquences
de nos gestes. Elle nous confirme par le fait même qu’il y a des parents qui
ramènent leur enfant à la maison sachant très bien que le décès sera
inévitable, juste pour lui offrir un semblant de normalité.
Nous convenons qu’avant de prendre
la moindre décision nous allons y penser sérieusement et pour le moment, de
faire des essais au niveau biberon et respiration pour voir si Nicolas peut
s’améliorer. Il est plutôt stable depuis quelques jours, alors nous demandons à
ce qu’il soit mis à 1 litre d’air/minute au lieu de 2 pour voir comment il va
réagir. À 2 ml/min et plus, il est impossible de le ramener à la maison.
Tout ça est beaucoup d’information
pour une seule rencontre et beaucoup d’informations que nous ne nous attendions
pas à recevoir. Plus nous y pensons et plus nous sommes confus quant aux choix
disponibles et surtout leurs conséquences. Nous avons même l’impression qu’il y
a un message subtile qu’on tente de nous passer et nous ne sommes pas certains
de sa nature exacte. Par ailleurs, nous avons encore de la difficulté à saisir
toutes les implications des résultats neurologiques sur son développement à
long terme.
Le lendemain matin, journée mondiale
du bonheur, nous prenons une heure et demie (trafic et tempête de neige) pour
se rendre à l’hôpital pour voir notre enfant malade. Tu parles d’une journée de
bonheur. En arrivant, une bénévole berce doucement Nicolas. Je prends la relève
pendant que maman va tirer son lait. Pendant que je le berce, le médecin vient
confirmer que nous allons baisser son flot d’air à 1 L/min. C’est aussi l’heure
du biberon. Nous lui donnons ses 10 mL. Il les prend et s’étouffe une fois en
désaturant, mais c’est plutôt léger. Moi j’ai l’impression que depuis qu’on a
descendu son flot d’air, il a l’air plus amorphe et qu’il respire avec plus de
difficulté.
Nous allons dîner. La psychologue
passe nous voir et pendant que nous discutons avec elle, l’étudiante vient nous
voir pour nous dire qu’ils ont augmenté son flot d’air à nouveau et ajouté de
l’oxygène, car il désaturait énormément. Nous sommes extrêmement déçus, car ça
voulait dire que le ramener à la maison était encore loin d’être possible. Nous
allons discuter plus amplement avec la psychologue et sortons vers 14 :00.
Nous retournons voir Nicolas. Il
désature encore beaucoup malgré le flot d’air augmenté à 4 L/min et 30%
d’oxygène. Nous le voyons plusieurs fois, devant nous, les yeux ouverts et le
regard fixe arrêter de respirer et devenir bleu. Je suis de plus en plus
convaincu qu’il fait des convulsions et que les neurologues ont tort de croire
que c’est contrôlé. Nous le faisons remarquer à l’infirmière. En même temps, le
médecin de garde, l’infirmière et l’étudiante passent et voient ce que Nicolas fait. Tout le monde convient que ça
ressemble beaucoup à des convulsions. Je demande qu’ils fassent un autre EEG,
mais cette fois plus longtemps afin d’augmenter la possibilité de repérer une
convulsion.
Nicolas n’est vraiment pas dans un
bon état. Nous sommes déchirés entre le devoir de partir afin d’aller
s’occuper d’Anabelle et de rester avec ce bébé si fragile et si faible pour le
protéger de tout ce qui lui arrive. Nous arrivons finalement à le quitter le
cœur lourd et avec beaucoup d’inquiétude dans nos cœurs.
03.29 Bonsoir,
RépondreSupprimerUn choix qui s'avère terrible s'il en est un. Un choix fait en toute connaissance de cause et qu'il ne faut jamais regretté, avec amour, sans amertume. Un choix à assumer ensemble,au meilleur de ses connaissances, au fin des jours avec ses hauts et ses bas avec tout ce qu'il promet de beaux jours et de chagrins, d'attachement émotif et de détachement pour l'équilibre des parents et de la belle petite famille-cellule-qui-jusqu'alors-n'a-eu-d'épreuve-que-le-quotidien, les horaires, l'organisation. Un choix qui engage, qui mène à l'accomplissement de chacun, au mieux de vos capacités. Quel que soit ce choix, il devra être fait sereinement, peut-être avec accablement, déchirement, chacun s'épaulant face à la volonté de l'autre. Pour mener à bien le cheminement, la décision serait idéalement le même choix de la part des deux parents,pour pouvoir continuer ensemble.... Bon courage, dialogue, écoute, présence & tendresses à partager entre vous, parents. M