dimanche 31 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XIV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

-----------------------------------------
Chronique 14 : Des Progrès, mais ça se complique

Samedi 23 mars – Vendredi 29 mars.

Le retard entre les chroniques et la réalité est maintenant comblé. Il y a aussi moins à dire, c’est la routine qui se réinstalle. Elle est bien différente d’avant et surtout pas comme on l’avait imaginée, mais la routine quand même. C’est pourquoi les chroniques seront plus espacées à partir de maintenant.
 
Le samedi, nous n’allons pas à l’hôpital. Anabelle a été malade la veille et nous ne savons pas si c’est une gastro ou pas. Il n’est pas question de contaminer Nicolas. Mamie a accepté généreusement de nous remplacer à son chevet. C’est la première fois que maman accepte de ne pas y aller, elle trouve cela moins difficile que s’il n’y avait personne pour bercer et prendre Nicolas.

Pendant la sieste d’Anabelle, nous parlons à une mère qui est passée par le processus d’adoption avec l’association Emmanuelle il y a environ 2 ans et demie. Son histoire ressemble beaucoup à la nôtre. Elle nous raconte comment ce fut un processus difficile (nous sentons encore l’émotion dans sa voix), mais qu’ils sont convaincus que ce fut la meilleure décision pour eux, comme pour leur fils. Elle le revoit de temps à autres et elle se rend compte à quel point le garçon est bien et comment les nouveaux parents sont heureux. 

En parlant à Mamie en après-midi, elle nous apprend que les infirmières ont enlevé ses électrodes qui enregistrent son rythme cardiaque. Son cœur n’a jamais montré signe de faiblesse, alors ça ne sert plus à rien de les garder. 

Lundi matin, je retourne au travail et maman doit aller toute seule à l’hôpital. Heureusement, beaucoup de gens vont venir lui tenir compagnie cette semaine. De mon côté, mon retour au travail se fait tranquillement. Je raconte plusieurs fois l’histoire, car la plupart des gens ne sont pas au courant de l’étendue de la situation. C’est plus facile de la raconter à ceux qui me félicitent et qui demande des nouvelles du bébé en même temps qu’à ceux qui se contentent des félicitations d’usage. À ses derniers je dois tout de même leur annoncer la nouvelle. J’ai l’impression de leur imposer mon malheur. Ça serait injuste de ma part de ne rien leur dire et les laisser penser que tout va bien. Les journées passent, la tête et le cœur n’est pas à l’ouvrage. J’attends toujours impatiemment l’heure du midi pour avoir des nouvelles de maman et de Nicolas. Mais encore là, la routine se réinstalle tranquillement. Les gens sont tout de même compréhensifs.

Pour Nicolas, il se passe peu de chose en ce lundi. L’étudiante n’est plus là et c’est beaucoup plus difficile pour maman d’obtenir des informations. Son état est stable depuis ses convulsions de vendredi.

Mardi, c’est l’anniversaire de 1 mois de Nicolas. Pas de chandelles, pas de cadeau, pas de joie. Maman est seule à l’hôpital. C’est plus difficile. L’éternel combat entre la tête et le cœur se poursuit. Nous savons que la meilleure décision pour Nicolas est de trouver des gens qui sont prêts à tout lui donner, mais d’un autre côté, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il a besoin de nous, ses parents, même si nous nous savons dans l’incapacité de lui donner tout ce dont il a besoin.

L’audiologiste vient faire un examen à Nicolas. Elle nous dit que l’oreille droite entend bien, mais que l’examen est peu concluant pour l’oreille gauche. Le test devra être refait dans 2 semaines. Les médecins ont diminué son flot d’air à 3 L/min.

Mercredi, nous avons des nouvelles de la génétique. Tout ce que nous croyions au départ s’avère différent. Nicolas a maintenant une plus grande délétion que ce que nous pensions. Au lieu de 18q23, c’est plutôt 18q21.2. Une plus grande région du chromosome est absente. Mais ce n’est pas tout. Il a en plus une duplication d’une grande partie du bras distal, ou du moins, ce qu’il en reste après délétion. Il lui manque certains gènes et il y en a qui sont en trop ce qui veut dire qu’il a une délétion, plus une trisomie partielle du chromosome. Nous apprenons en plus que le gène TCF4 qui se trouve sur le chromosome 18 est absent. Ceci est compatible avec le syndrome de Pitt-Hopkins selon nos recherches internet. Bref, Nicolas a plusieurs conditions, mais cette fois-ci, ça pourrait mieux expliquer ses anomalies au cerveau. Tout ça ne nous aide pas au niveau de nos décisions, mais le diagnostic se précise, se complique et l’espoir diminue que Nicolas pourrait être légèrement atteint.

Le soir, la généticienne nous appelle à la maison nous disant qu’elle veut absolument nous rencontrer le lendemain pour tout nous expliquer et aussi nous donner nos prescriptions pour nos prises de sang. Nous désirons s’assurer que nous ne sommes pas porteusr d’une quelconque anomalie. Je décide donc de prendre congé pour le lendemain. Évidemment, ce n’est jamais aussi simple. Nous n’avons jamais pu rencontrer ladite généticienne. Seulement en fin de journée a-t-elle annoncé aux infirmières qu’elle avait une urgence et qu’elle ne pouvait venir nous voir. Elle a demandé à un de ses étudiants de venir nous porter nos prescriptions. Le temps d’aller faire notre carte d’hôpital et d’attendre en ligne pour l’inscription aux prises de sang, il était déjà l’heure de retourner à la maison afin d’aller chercher Anabelle à sa garderie. Donc, pas de prises de sang. J’ai le sentiment d’avoir perdu ma journée. Mais au moins, ça m’a fait du bien d’être avec maman, de voir Nicolas et de constater qu’il est maintenant à 1L/min d’air et toujours stable. Tout semble indiquer qu’il n’en a plus vraiment de besoin. Nous ne savons toujours pas si nous devons nous en réjouir ou non. S’il se dégradait, ça serait plus simple pour nous, pour toutes les décisions que nous devons prendre. Mais d’un autre côté, nous ne pouvons que lui souhaiter la meilleure vie si ça lui est possible.

Après une semaine à être allée à l’hôpital seule, maman est épuisée moralement et physiquement. C’est difficile pour elle. Elle voit Nicolas à tous les jours dans toute sa fragilité et sa vulnérabilité. Elle pleure encore en le regardant et en se disant qu’il ne mérite pas tout ce qui lui arrive. Elle le berce, change sa couche, lui donne son bain  sachant que nous n’aurons pas la force d’en faire bien plus pour lui. Que nous sommes peut-être que des parents temporaires. Certains ont eu la force d’affronter le handicap de leur enfant avec les avantages et inconvénients inhérents mais nous nous ne l’avons pas. Nous sommes tous différents. Il faut juste commencer à nous accepter comme nous  sommes, à accepter Nicolas comme il est et aussi accepter le fait qu’il existe d’autres parents pouvant lui donner la meilleure vie possible.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire