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Chronique 14 : Des Progrès,
mais ça se complique
Samedi 23 mars – Vendredi 29 mars.
Le retard entre les chroniques et
la réalité est maintenant comblé. Il y a aussi moins à dire, c’est la routine
qui se réinstalle. Elle est bien différente d’avant et surtout pas comme on
l’avait imaginée, mais la routine quand même. C’est pourquoi les chroniques
seront plus espacées à partir de maintenant.
Le samedi, nous n’allons pas à
l’hôpital. Anabelle a été malade la veille et nous ne savons pas si c’est une
gastro ou pas. Il n’est pas question de contaminer Nicolas. Mamie a accepté
généreusement de nous remplacer à son chevet. C’est la première fois que maman
accepte de ne pas y aller, elle trouve cela moins difficile que s’il n’y avait personne
pour bercer et prendre Nicolas.
Pendant la sieste d’Anabelle, nous
parlons à une mère qui est passée par le processus d’adoption avec
l’association Emmanuelle il y a environ 2 ans et demie. Son histoire ressemble
beaucoup à la nôtre. Elle nous raconte comment ce fut un processus difficile
(nous sentons encore l’émotion dans sa voix), mais qu’ils sont convaincus que
ce fut la meilleure décision pour eux, comme pour leur fils. Elle le revoit de
temps à autres et elle se rend compte à quel point le garçon est bien et
comment les nouveaux parents sont heureux.
En parlant à Mamie en après-midi,
elle nous apprend que les infirmières ont enlevé ses électrodes qui
enregistrent son rythme cardiaque. Son cœur n’a jamais montré signe de
faiblesse, alors ça ne sert plus à rien de les garder.
Lundi matin, je retourne au travail
et maman doit aller toute seule à l’hôpital. Heureusement, beaucoup de gens
vont venir lui tenir compagnie cette semaine. De mon côté, mon retour au
travail se fait tranquillement. Je raconte plusieurs fois l’histoire, car la
plupart des gens ne sont pas au courant de l’étendue de la situation. C’est
plus facile de la raconter à ceux qui me félicitent et qui demande des
nouvelles du bébé en même temps qu’à ceux qui se contentent des félicitations d’usage.
À ses derniers je dois tout de même leur annoncer la nouvelle. J’ai l’impression
de leur imposer mon malheur. Ça serait injuste de ma part de ne rien leur dire
et les laisser penser que tout va bien. Les journées passent, la tête et le
cœur n’est pas à l’ouvrage. J’attends toujours impatiemment l’heure du midi
pour avoir des nouvelles de maman et de Nicolas. Mais encore là, la routine se
réinstalle tranquillement. Les gens sont tout de même compréhensifs.
Pour Nicolas, il se passe peu de
chose en ce lundi. L’étudiante n’est plus là et c’est beaucoup plus difficile
pour maman d’obtenir des informations. Son état est stable depuis ses
convulsions de vendredi.
Mardi, c’est l’anniversaire de 1
mois de Nicolas. Pas de chandelles, pas de cadeau, pas de joie. Maman est seule
à l’hôpital. C’est plus difficile. L’éternel combat entre la tête et le cœur se
poursuit. Nous savons que la meilleure décision pour Nicolas est de trouver des
gens qui sont prêts à tout lui donner, mais d’un autre côté, on ne peut s’empêcher
de se dire qu’il a besoin de nous, ses parents, même si nous nous savons dans
l’incapacité de lui donner tout ce dont il a besoin.
L’audiologiste vient faire un
examen à Nicolas. Elle nous dit que l’oreille droite entend bien, mais que
l’examen est peu concluant pour l’oreille gauche. Le test devra être refait
dans 2 semaines. Les médecins ont diminué son flot d’air à 3 L/min.
Mercredi, nous avons des nouvelles
de la génétique. Tout ce que nous croyions au départ s’avère différent. Nicolas
a maintenant une plus grande délétion que ce que nous pensions. Au lieu de
18q23, c’est plutôt 18q21.2. Une plus grande région du chromosome est absente.
Mais ce n’est pas tout. Il a en plus une duplication d’une grande partie du
bras distal, ou du moins, ce qu’il en reste après délétion. Il lui manque
certains gènes et il y en a qui sont en trop ce qui veut dire qu’il a une
délétion, plus une trisomie partielle du chromosome. Nous apprenons en plus que
le gène TCF4 qui se trouve sur le chromosome 18 est absent. Ceci est compatible
avec le syndrome de Pitt-Hopkins selon nos recherches internet. Bref, Nicolas a
plusieurs conditions, mais cette fois-ci, ça pourrait mieux expliquer ses
anomalies au cerveau. Tout ça ne nous aide pas au niveau de nos décisions, mais
le diagnostic se précise, se complique et l’espoir diminue que Nicolas pourrait
être légèrement atteint.
Le soir, la généticienne nous
appelle à la maison nous disant qu’elle veut absolument nous rencontrer le
lendemain pour tout nous expliquer et aussi nous donner nos prescriptions pour
nos prises de sang. Nous désirons s’assurer que nous ne sommes pas porteusr d’une
quelconque anomalie. Je décide donc de prendre congé pour le lendemain.
Évidemment, ce n’est jamais aussi simple. Nous n’avons jamais pu rencontrer
ladite généticienne. Seulement en fin de journée a-t-elle annoncé aux
infirmières qu’elle avait une urgence et qu’elle ne pouvait venir nous voir.
Elle a demandé à un de ses étudiants de venir nous porter nos prescriptions. Le
temps d’aller faire notre carte d’hôpital et d’attendre en ligne pour
l’inscription aux prises de sang, il était déjà l’heure de retourner à la
maison afin d’aller chercher Anabelle à sa garderie. Donc, pas de prises de
sang. J’ai le sentiment d’avoir perdu ma journée. Mais au moins, ça m’a fait du
bien d’être avec maman, de voir Nicolas et de constater qu’il est maintenant à
1L/min d’air et toujours stable. Tout semble indiquer qu’il n’en a plus
vraiment de besoin. Nous ne savons toujours pas si nous devons nous en réjouir
ou non. S’il se dégradait, ça serait plus simple pour nous, pour toutes les
décisions que nous devons prendre. Mais d’un autre côté, nous ne pouvons que
lui souhaiter la meilleure vie si ça lui est possible.
Après une semaine à être allée à
l’hôpital seule, maman est épuisée moralement et physiquement. C’est difficile
pour elle. Elle voit Nicolas à tous les jours dans toute sa fragilité et sa
vulnérabilité. Elle pleure encore en le regardant et en se disant qu’il ne
mérite pas tout ce qui lui arrive. Elle le berce, change sa couche, lui donne
son bain sachant que nous n’aurons pas
la force d’en faire bien plus pour lui. Que nous sommes peut-être que des
parents temporaires. Certains ont eu la force d’affronter le handicap de leur
enfant avec les avantages et inconvénients inhérents mais nous nous ne l’avons
pas. Nous sommes tous différents. Il faut juste commencer à nous accepter comme
nous sommes, à accepter Nicolas comme il
est et aussi accepter le fait qu’il existe d’autres parents pouvant lui donner
la meilleure vie possible.
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