lundi 1 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 15 : Le Point de Non-Retour

Samedi 30 mars

En cette veille de Pâques, nous retournons à l’hôpital. Mamie accepte encore généreusement de garder Anabelle. Quelque fois je me dis que ça doit l’affecter d’une certaine façon de toujours se faire garder par tout le monde et de ne pas être souvent avec ses parents. Mais elle aime tellement ça voir des gens qui peuvent lui donner tout leur attention, cette attention qu’elle ne peut recevoir de nous dernièrement. Ça m’attriste. En plus de continuer à se demander si nous sommes de bons parents pour Nicolas, je suis à me demander si je suis un bon père pour Anabelle. J’imagine que cela fait partie des remises en question que l’on fait lorsque nous vivions ce genre d’événements.

Nicolas est toujours stable à 1 L/min d’air. Je lis dans le dossier de Nicolas et  qui par le fait même confirme ce que maman m’avait déjà dit, les médecins veulent diminuer son flot d’air ou l’enlever complètement après nous avoir consultés.

Le médecin primaire de Nicolas vient nous voir (il est de garde cette fin de semaine) et nous allons nous asseoir dans une salle de conférence tous ensemble. Nous avons plusieurs questions à lui poser sur les nouvelles informations génétiques que nous avons. Il nous confirme ce que nous savons déjà, c’est-à-dire les détails de l’anomalie chromosomique, mais il n’en sait pas plus et cet aspect  n’a pas l’air de l’intéresser tant que ça en ce moment. Pour lui, ce qui est surtout important, c’est comment Nicolas est aujourd’hui et ce qu’il a démontré depuis un mois et le potentiel de ce qui pourrait se produire dans les prochains jours.

Nous discutons aussi du dernier EEG que Nicolas a passé il y a 2 jours. Il nous confirme qu’il a toujours des convulsions électriques, c’est-à-dire des ondes épileptiformes, mais qu’il n’y avait pas de signes cliniques de convulsions comme des apnées. Pour lui, ceci est suffisant. Il nous avait souvent répété que le but n’était pas de les éliminer à 100% mais bien de les contrôler le plus possible. Pour l’instant, les convulsions sont contrôlées sous le seuil critique. Le reste de son activité cérébrale ne s’est cependant pas améliorée. C’est toujours le chaos dans sa tête.

Et c’est par la suite qu’il nous demande alors de faire un choix qui est très important pour la suite des choses. Maintenant que Nicolas est stable à 1L/min, la prochaine étape serait de lui enlever complètement son air. Ça serait l’étape logique pour tout autre bébé qui aurait un flot d’air. Nous sommes pas mal en accord avec ça et c’est exactement ce que nous avions mentionné une semaine auparavant. Nous voulons vraiment que Nicolas puisse au minimum respirer seul et être capable éventuellement de se nourrir par la bouche. Mais la nuance est celle-ci : si jamais Nicolas n’est pas capable de supporter son absence d’air dans le nez, qu’il se remet à faire des convulsions et des apnées, qu’est-ce qu’on fait? Est-ce qu’on retourne en arrière et lui remet son support mécanique à la respiration ou on le laisse aller en minimisant son inconfort?

Le médecin nous explique que si jamais il n’est pas capable de respirer et qu’il fait des apnées, ses poumons vont s’affaiblir avec le temps, jusqu’à n’être plus fonctionnels, par la suite c’est le cœur qui serait atteint et je vous laisse deviner la suite. Il pourrait aussi recommencer à faire des convulsions, dans quels cas ils vont ajuster sa médication pour traiter les convulsions, mais ça sera signe que son cerveau se détériore encore plus.

Donc en gros, soit Nicolas se montre capable de respirer seul ou bien il entrera dans une spirale dégradante qui le mènera tout droit vers un décès, plus tôt que tard. D’un autre côté, ce n’est pas parce qu’il montre qu’il est capable de respirer pour trois ou quatre jours que cela ne se compliquera pas dans plusieurs semaines. Tout va finalement dépendre de son cerveau. S’il se dégrade, c’est la fin. S’il se stabilise et est sous contrôle, il devrait passer au travers, du moins, pour un temps.

Nous hésitions beaucoup à le débrancher de son air quand il était à 4L/min, car nous avions l’impression que ça signait son arrêt de mort. Maintenant qu’il est à 1L/min, nous croyons qu’il n’en a plus de besoin. Le médecin lui-même ne s’attend pas à ce qu’il se passe quelque chose d’alarmant à court-terme, mais il devait nous spécifier les conséquences des choix que nous devons faire, car la possibilité reste là tout de même.

Depuis samedi après-midi, Nicolas n’a plus d’air dans les narines. S’il venait à faire des apnées, il aura un peu d’oxygène pour l’aider à retrouver une saturation normale, mais il n’aura plus de support mécanique. J’ai pu le prendre dans mes bras et l’amener faire un tour dans le corridor de l’hôpital pour la première fois depuis sa naissance (étant donné qu’il n’avait plus de canules dans le nez). J’apprécie  ce moment, c’est plaisant de se promener avec son bébé, comme s’il était en santé et que tout était normal.

Voilà. Ça passe ou ça casse. Nicolas a maintenant son sort entre ses mains. C’est à lui de décider dans quelle direction il veut aller. Mais je ne peux pas dire que nous en dormons plus aisément la nuit.


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