dimanche 21 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XIX)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 19 : Le Jour de la Marmotte

Lundi 14 Avril – Vendredi 18 avril

Nicolas s’habitue tranquillement à son nouveau chez-soi à Pierre Boucher. Peu de temps après son transfert, il fut pas mal agité, mais il s’est calmé maintenant. Il doit s’adapter à un nouvel environnement, à de nouvelles infirmières. Nous aussi comme parents nous devons nous ajuster. Nous avions nos habitudes, nos aises au Children’s.

Je reçois un appel de maman très tôt en avant-midi, alors que je suis au travail. La tristesse transpire dans sa voix. Nicolas a recommencé à convulser alors qu’elle le tient dans ses bras. Maman ne sait que faire. Les infirmières ne sont pas aussi présentes qu’au Children’s. Même quand la machine de saturation de Nicolas sonne, elles ne viennent pas automatiquement voir ce qui se passe. Maman reste seule avec Nicolas qui devient bleu, seule avec son angoisse de le voir respirer à nouveau.

Je quitte alors le travail pour aller rejoindre maman. Lorsque j’arrive, Nicolas continue de faire ses convulsions avec apnées. Nous ne pouvons qu’assister à tout cela en attendant que le pédiatre vienne nous voir. Lorsqu’il arrive, nous  voyons bien que la situation le sort de sa zone de confort. Ce n’est pas tous les jours qu’ils ont un bébé qui convulse ainsi dans leur unité. Il tente de nous expliquer bien des choses, mais nous comprenons surtout qu’il ne sait absolument pas quoi faire. C’est à ce moment que nous ressentons un profond regret de ne plus être entourés de l’expertise de l’hôpital pour enfants.

Le pédiatre va consulter les notes dans le dossier de Nicolas et décide de suivre les directives laissées par les neurologues. Nicolas aura alors besoin d’un quatrième anticonvulsivant, le Frisium. Il lui donne pour le moment un autre médicament qui devrait agir rapidement pour contrôler ses convulsions à court terme avant de pouvoir introduire dans son ‘régime’ le Frisium.

Encore une fois, alors que nous envisagions pour Nicolas une fin plutôt heureuse, le spectre de la mort revient nous hanter. Est-ce finalement le début de la fin? Nous y croyons moins que la dernière fois. Nous sommes déjà passés par là. Mais la douleur reste vive. Nous le voyons lutter à chaque convulsion pour reprendre son souffle. Nous lisons dans son visage l’épuisement qui l’habite. Tout ça lui demande une énergie inimaginable et nous ne pouvons que le regarder, le bercer et le stimuler pour qu’il respire.

Tranquillement, après environ 3 heures de convulsions en boucle, les médicaments font effet et les crises s’espacent. Lorsque je m’aperçois que la situation se stabilise, et pour Nicolas et pour maman, je repars au travail.

Toute la semaine nous avons des conversations avec la travailleuse sociale qui tente de nous trouver des informations sur les familles d’accueil et le processus d’adoption. Pour l’adoption, les gens du centre jeune de la Montérégie semble bien ouverts à venir nous rencontrer. D’ailleurs un rendez-vous nous est donné pour le lundi suivant, 22 avril. Nous apprenons par le fait même que l’Association Emmanuel a eu, l’année dernière, 6 cas du même genre que Nicolas (multi-handicapé) et qu’elle a réussi à tous les placer avec un famille adoptive.

Pour ce qui est de la famille d’accueil, tout semble vraiment, mais vraiment compliqué, et surtout extrêmement bureaucratique. La travailleuse sociale nous apprend d’abord que le CRDI (centre de réadaptation en déficience intellectuelle) ne reconnaît pas un handicap intellectuel avant que l’enfant n’ait entre 5 et 7 ans. Avant cela, l’enfant est considéré comme en retard de développement global. Par le fait même, ils ne peuvent considérer la candidature d’un enfant comme Nicolas pour une famille d’accueil tant qu’aucun diagnostic de déficience ne soit posé. Tout ce qu’ils peuvent offrir ce sont des soins de réadaptation à la maison.

La solution suivante serait de faire nous-même un signalement à la DPJ pour abandon d’enfant. Nicolas entrerait alors dans le fameux ‘système’ de la DPJ et pourrait avoir droit à une famille d’accueil. Nous trouvons l’idée totalement absurde. Déjà que ce n’est pas de gaité de cœur que nous essayons de trouver une autre famille pour Nicolas, nous nous voyons encore moins nous dénoncer à la DPJ et avoir ‘un dossier’ avec eux avec la mention d’abandon!

La travailleuse sociale nous parle aussi de placement volontaire, mais elle se rend compte un peu plus tard que c’est surtout pour les parents qui veulent placer leur enfant de façon temporaire, le temps de régler un problème ou une situation difficile. Donc, encore une solution qui ne s’applique plus à nous.

Après toutes ces informations, il nous apparaît encore plus clair que l’adoption semble la seule voie à considérer, autre que le ramener avec nous à la maison. Nous verrons bien lundi prochain ce qui ressort de cette réunion avec le centre jeunesse. Nous prenons aussi un rendez-vous avec un psychologue près de notre maison, car nous sentons que nous avons besoin de support en ce moment crucial de notre prise de décision et surtout en envisageant toutes les émotions qui nous envahiront lorsque cette décision sera prise pour de bon. Et on ne parle même pas de comment nous devrons faire vivre cela à Anabelle. Nous lui en parlons quelques fois, mais elle ne comprend pas trop. C’est difficile pour nous de la voir parler de ‘son petit frère’, comme s’il était présent ou comme s’il allait être présent un jour.

Il est temps que tout cela aboutisse. Ça nous épuise. Maman est fatiguée de tirer son lait 6 fois par jour devant sa machine. Elle est fatiguée de passer ses journées à l’hôpital, souvent seule avec ses tristes pensées. Ça devient de plus en plus difficile et déprimant.

Heureusement, quelques amies/collègues viennent lui rendre visite  à l’hôpital et cela l’aide beaucoup à aller de l’avant car elle sent le support de tous. Elle sent également que ces personnes ne la jugent pas. Ce sont dans des moments comme ceux-là que nous nous rendons compte de l’importance d’être bien entouré d’amis véritables.

 Nicolas fait des progrès. Il semble commencer à suivre un peu plus des yeux, il fait quelques progrès avec le biberon, il émet des babillages de bébé. Tout pour nous faire douter de sa condition. Et s’il était normal finalement ? Nous devons toujours chercher à nous convaincre et à nous raisonner que ce n’est pas le cas ; qu’il a bel et bien une trisomie 18 partielle, une délétion 18q21 et que ce n’est qu’un espoir fou qui nous berce d’illusions. Chaque jour, nous nous attachons un peu plus à lui sachant très bien que nous devrons nous en éloigner par la suite. Et nous réalisons que c’est difficile, car nous l’aimons notre petit Nicolas. Et c’est par amour que nous devons prendre la décision la plus difficile de notre vie.

2 commentaires:

  1. 04.30-17:40
    Bonsoir,
    Je vous propose une toute petite lecture d'un texte paru dans LaPresse d' aujourd'hui. Par Mélanie Dugré, avocate. "Larguer les amarres".
    Sujet sérieux si bien abordé!
    M.

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  2. Merci pour cet article. En effet, le Children offre des soins palliatif et l'équipe nous a suivi de très près. On avait toujours l'impression en discutant avec eux que Nicolas était près de la mort. Il nous prouvé le contraire, mais Nicolas reste un petit garçon fragile. Comme tout le monde, la mort se fait attendre au détour du chemin, mais pour Nicolas, la route n'a rien de droite, on ne voit jamais ce qui se cache derrière le prochain coin de rue.

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