vendredi 3 mai 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XX)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 20 : La Décision

Lundi 22 avril – Vendredi 28 avril
 
La fin de semaine se passe comme à l’habitude, maman à la maison avec Anabelle et moi à l’hôpital. J’expérimente ce que maman vie toute la semaine et je trouve ça pas mal difficile. C’est long de  s’occuper d’un enfant qui ne fait rien et qui est pris entre quatre murs. Ça me fait encore plus réaliser que Nicolas doit se trouver une famille, ça ne peut plus continuer comme ça.

Maman verse des larmes le dimanche soir et ça n’échappe pas à Anabelle. Nous devons lui expliquer encore une fois la situation de son petit frère, qu’il est très malade, qu’il devra aller dans une autre famille. Nous lui demandons aussi de ne plus dire ''la chambre de mon petit frère'' mais bien la chambre du bébé, car Nicolas ne viendra jamais y dormir. Nous lui disons aussi qu’il se pourrait qu’éventuellement, maman porte un autre bébé dans son ventre. Nous ne savons pas à quel point elle intègre tout ce que nous lui disons, j’en ai les larmes aux yeux juste à lui en parler. Mais Anabelle est exceptionnelle pour ce qui est de l’empathie. Elle fait un gros câlin à maman et la console. 

Le lundi, nous rencontrons le travailleur du centre jeunesse de la Montérégie. Il est là pour nous expliquer comment fonctionne le processus d’adoption. Il nous explique qu’il ne nous ferait pas signer de papier tant qu’une famille n’a pas été identifiée. Nous nous questionnons alors surtout sur ce que nous pouvons faire pendant qu’ils tentent de lui trouver une famille. On lui parle de famille d’accueil de transition, mais selon lui, si nous optons pour cela, ça doit nécessairement passer aussi par un signalement à la DPJ et plus aucun contact ne sera possible par la suite. C’est différent de ce qu’on nous avait mentionné auparavant, mais bon, c’est son premier dossier d’enfant handicapé et il nous dit qu’il va faire des vérifications. Il y a aussi l’enjeu à savoir combien de temps Nicolas pourra rester à l’hôpital. La  travailleuse sociale nous mentionne qu’elle se renseignera auprès des médecins.

Nous posons toutes nos questions et le représentant du centre jeunesse nous demande d’y penser encore pendant 48 heures avant de lui donner une réponse. Ça fait plus d’un mois que nous y pensons et rien de ce qu’il nous a dit nous fait changer d’idée. Nous lui donnons finalement le ok pour entreprendre les démarches d’adoption, ou plutôt de recherche de famille. Je ne peux pas dire qu’un poids s’est enlevé de nos épaules à ce moment, mais au moins, ça avance et ça laisse entrevoir un début de fin à toute cette situation-là.

Après la rencontre, la  travailleuse sociale vient nous voir pour remplir son rôle de psychologue et pour s’assurer que nous allons bien après cette décision importante. Nous lui faisons encore part de nos craintes et de nos incertitudes. Je prends le temps de dîner avec maman et retourne au travail.

Le lendemain, nous rencontrons notre nouvelle psychologue, ou plutôt thérapeute. Elle semble un peu, disons ''flyée'' mais quand même compétente. Son discours est dans la même lignée que tous les autres intervenants que nous avons rencontrés. Je me rends compte en lui parlant que nous n’avons pas l’air de deux personnes au bord du gouffre. Maman se demande si cela  nous arrivera  plus tard, après la réelle séparation, au moment du deuil (de l’enfant que nous n’aurons pas avec nous). Pour le moment, nous allons voir les psychologues  pour nous faire rassurer quant à ce que nous pensons et ressentons. Ça nous aide à extérioriser nos inquiétudes.

En revenant, je vais chercher Anabelle à la garderie pendant que maman va faire son jogging. La gardienne m’apprend que ma fille n’a pas fait de sieste et parlait énormément de son petit frère et de sa maladie. C’est la première fois que nous nous rendons compte réellement à quel point elle en est affectée. La gardienne l’a écouté puis lui a changé les idées par la suite. Elle me demande si c’était la bonne chose à faire. Je n’en sais rien. Probablement. Qui sait ce qu’on doit faire dans cette situation-là? J’en parle à maman et nous décidons de ne pas intervenir plus qu’il ne fait à moins que la situation empire.

Le mercredi, la travailleuse sociale nous dit qu’il y aurait peut-être une possibilité d’avoir une famille d’accueil sans passer par la DPJ. Si Nicolas a besoin d’une infirmière 24hres/24, il y aurait une famille prête à le prendre. Malheureusement, je ne crois pas que Nicolas se qualifie pour cela. On a un rendez-vous en neurologie le vendredi suivant et la travailleuse sociale préfère attendre les résultats pour avoir un meilleur portrait de la situation. Par la même occasion, elle nous annonce que l’hôpital a accepté de garder Nicolas pour encore un mois. Ce n’est pas l’idéal d’y passer nos journées, mais c’est mieux que rien.

Le jeudi, rien de bien nouveau. Nicolas boit de mieux en mieux, des biberons de 120 ml environ. Il faut par contre agrandir le trou de la tétine, car sa succion n’est toujours pas très bonne. Les infirmières nous permettent de débrancher son moniteur d’oxygène quand nous sommes auprès de lui. On nous apprend aussi que Nicolas est souvent très réveillé entre 17 :00 et 20 :00 (lorsque nous ne sommes pas là) et que les infirmières ne peuvent pas lui donner toute l’attention dont il aurait besoin. Branle-bas de combat! Nous devons maintenant trouver des ressources pour venir s’en occuper le soir. Heureusement, mamie accepte de passer du temps avec lui le soir-même.

Le vendredi, nous sommes le 26 avril. Nicolas a 2 mois. Je vais rejoindre maman, Nicolas et une infirmière au Children pour son rendez-vous en neurologie. Nous croyons voir un neurologue pour lui poser tout plein de questions, mais c’est mal connaître notre système de santé. Aucun neurologue ne s’est déplacé. Nicolas ne subit même pas un EEG. C’est plutôt un potentiel évoqué. Ça permet de visualiser comment le système nerveux achemine l’information au cerveau. C’est un examen qui aurait dû être fait bien avant, du temps qu’il était au Children, mais ils l’avaient oublié. De plus, un seul parent peut accompagner Nicolas dans la salle. Je reste donc à attendre à l’extérieur avec l’infirmière. Nicolas a beaucoup pleuré pendant le test. Les chocs électriques semblaient lui faire du mal. Les résultats nous parviendrons dans 3-4 semaines. Par contre, la technicienne semble avoir détecté un problème au niveau des oreilles. Nicolas a donc un rendez-vous en audiologie dans un mois. Nous ne savons même pas si nous y serons.

La fin de semaine, c’est mon tour de garde. J’ai amené Nicolas à l’extérieur avec le porte-bébé ventral. C’était comme à la bonne époque d’Anabelle. J’avais l’impression pour un court instant que tout était normal. Ça m’a rendu triste aussi, car la réalité nous rattrape assez vite. Le temps à l’hôpital est très long. Je suis fatigué. Je m’endors deux fois en lui donnant le biberon. Pauvre Nicolas, même deux jours par semaine je ne suis pas capable de lui donner toute l’attention qu’il a besoin. Je lui parle un peu de sa future famille. Je lui dis que je l’aime et que nous lui trouverons la meilleure famille qui soit. J’ai de la misère à le quitter dimanche après-midi. Il est réveillé, mais je dois partir. Il me regarde. Ne sourit pas. Ne pleure pas. Je le laisse seul dans son grand lit à barreau comme seuls compagnons la pieuvre musicale et son canard bariolé.

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Petite anecdote numérologique que nous venons tout juste de s’apercevoir. La date officielle du début de notre couple est le dix-huit octobre mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit, à l’âge de dix-huit ans, j’ai habité toute mon enfance au huit cent quatre-vingt-dix-huit, ma belle-mère est décédée un dix-huit novembre et Nicolas a une anomalie au chromosome dix-huit!! Ouf, cela fait beaucoup de dix-huit dans notre vie!!

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