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Chronique 20 : La Décision
Lundi 22 avril – Vendredi 28 avril
La fin de semaine se passe comme à
l’habitude, maman à la maison avec Anabelle et moi à l’hôpital. J’expérimente
ce que maman vie toute la semaine et je trouve ça pas mal difficile. C’est long
de s’occuper d’un enfant qui ne fait
rien et qui est pris entre quatre murs. Ça me fait encore plus réaliser que
Nicolas doit se trouver une famille, ça ne peut plus continuer comme ça.
Maman verse des larmes le dimanche
soir et ça n’échappe pas à Anabelle. Nous devons lui expliquer encore une fois
la situation de son petit frère, qu’il est très malade, qu’il devra aller dans
une autre famille. Nous lui demandons aussi de ne plus dire ''la chambre de mon
petit frère'' mais bien la chambre du bébé, car Nicolas ne viendra jamais y
dormir. Nous lui disons aussi qu’il se pourrait qu’éventuellement, maman porte
un autre bébé dans son ventre. Nous ne savons pas à quel point elle intègre tout
ce que nous lui disons, j’en ai les larmes aux yeux juste à lui en parler. Mais
Anabelle est exceptionnelle pour ce qui est de l’empathie. Elle fait un gros
câlin à maman et la console.
Le lundi, nous rencontrons le
travailleur du centre jeunesse de la Montérégie. Il est là pour nous expliquer
comment fonctionne le processus d’adoption. Il nous explique qu’il ne nous
ferait pas signer de papier tant qu’une famille n’a pas été identifiée. Nous
nous questionnons alors surtout sur ce que nous pouvons faire pendant qu’ils
tentent de lui trouver une famille. On lui parle de famille d’accueil de
transition, mais selon lui, si nous optons pour cela, ça doit nécessairement
passer aussi par un signalement à la DPJ et plus aucun contact ne sera possible
par la suite. C’est différent de ce qu’on nous avait mentionné auparavant, mais
bon, c’est son premier dossier d’enfant handicapé et il nous dit qu’il va faire
des vérifications. Il y a aussi l’enjeu à savoir combien de temps Nicolas
pourra rester à l’hôpital. La
travailleuse sociale nous mentionne qu’elle se renseignera auprès des
médecins.
Nous posons toutes nos questions et
le représentant du centre jeunesse nous demande d’y penser encore pendant 48
heures avant de lui donner une réponse. Ça fait plus d’un mois que nous y
pensons et rien de ce qu’il nous a dit nous fait changer d’idée. Nous lui
donnons finalement le ok pour entreprendre les démarches d’adoption, ou plutôt
de recherche de famille. Je ne peux pas dire qu’un poids s’est enlevé de nos
épaules à ce moment, mais au moins, ça avance et ça laisse entrevoir un début
de fin à toute cette situation-là.
Après la rencontre, la travailleuse sociale vient nous voir pour
remplir son rôle de psychologue et pour s’assurer que nous allons bien après
cette décision importante. Nous lui faisons encore part de nos craintes et de
nos incertitudes. Je prends le temps de dîner avec maman et retourne au
travail.
Le lendemain, nous rencontrons
notre nouvelle psychologue, ou plutôt thérapeute. Elle semble un peu, disons
''flyée'' mais quand même compétente. Son discours est dans la même lignée que
tous les autres intervenants que nous avons rencontrés. Je me rends compte en
lui parlant que nous n’avons pas l’air de deux personnes au bord du gouffre. Maman
se demande si cela nous arrivera plus tard, après la réelle séparation, au
moment du deuil (de l’enfant que nous n’aurons pas avec nous). Pour le moment, nous
allons voir les psychologues pour nous
faire rassurer quant à ce que nous pensons et ressentons. Ça nous aide à
extérioriser nos inquiétudes.
En revenant, je vais chercher
Anabelle à la garderie pendant que maman va faire son jogging. La gardienne
m’apprend que ma fille n’a pas fait de sieste et parlait énormément de son
petit frère et de sa maladie. C’est la première fois que nous nous rendons
compte réellement à quel point elle en est affectée. La gardienne l’a écouté
puis lui a changé les idées par la suite. Elle me demande si c’était la bonne
chose à faire. Je n’en sais rien. Probablement. Qui sait ce qu’on doit faire
dans cette situation-là? J’en parle à maman et nous décidons de ne pas
intervenir plus qu’il ne fait à moins que la situation empire.
Le mercredi, la travailleuse sociale
nous dit qu’il y aurait peut-être une possibilité d’avoir une famille d’accueil
sans passer par la DPJ. Si Nicolas a besoin d’une infirmière 24hres/24, il y
aurait une famille prête à le prendre. Malheureusement, je ne crois pas que
Nicolas se qualifie pour cela. On a un rendez-vous en neurologie le vendredi
suivant et la travailleuse sociale préfère attendre les résultats pour avoir un
meilleur portrait de la situation. Par la même occasion, elle nous annonce que
l’hôpital a accepté de garder Nicolas pour encore un mois. Ce n’est pas l’idéal
d’y passer nos journées, mais c’est mieux que rien.
Le jeudi, rien de bien nouveau.
Nicolas boit de mieux en mieux, des biberons de 120 ml environ. Il faut par
contre agrandir le trou de la tétine, car sa succion n’est toujours pas très
bonne. Les infirmières nous permettent de débrancher son moniteur d’oxygène
quand nous sommes auprès de lui. On nous apprend aussi que Nicolas est souvent
très réveillé entre 17 :00 et 20 :00 (lorsque nous ne sommes pas là)
et que les infirmières ne peuvent pas lui donner toute l’attention dont il
aurait besoin. Branle-bas de combat! Nous devons maintenant trouver des
ressources pour venir s’en occuper le soir. Heureusement, mamie accepte de
passer du temps avec lui le soir-même.
Le vendredi, nous sommes le 26
avril. Nicolas a 2 mois. Je vais rejoindre maman, Nicolas et une infirmière au
Children pour son rendez-vous en neurologie. Nous croyons voir un neurologue
pour lui poser tout plein de questions, mais c’est mal connaître notre système
de santé. Aucun neurologue ne s’est déplacé. Nicolas ne subit même pas un EEG.
C’est plutôt un potentiel évoqué. Ça permet de visualiser comment le système
nerveux achemine l’information au cerveau. C’est un examen qui aurait dû être
fait bien avant, du temps qu’il était au Children, mais ils l’avaient oublié.
De plus, un seul parent peut accompagner Nicolas dans la salle. Je reste donc à
attendre à l’extérieur avec l’infirmière. Nicolas a beaucoup pleuré pendant le
test. Les chocs électriques semblaient lui faire du mal. Les résultats nous
parviendrons dans 3-4 semaines. Par contre, la technicienne semble avoir
détecté un problème au niveau des oreilles. Nicolas a donc un rendez-vous en
audiologie dans un mois. Nous ne savons même pas si nous y serons.
La fin de semaine, c’est mon tour
de garde. J’ai amené Nicolas à l’extérieur avec le porte-bébé ventral. C’était
comme à la bonne époque d’Anabelle. J’avais l’impression pour un court instant
que tout était normal. Ça m’a rendu triste aussi, car la réalité nous rattrape
assez vite. Le temps à l’hôpital est très long. Je suis fatigué. Je m’endors
deux fois en lui donnant le biberon. Pauvre Nicolas, même deux jours par
semaine je ne suis pas capable de lui donner toute l’attention qu’il a besoin.
Je lui parle un peu de sa future famille. Je lui dis que je l’aime et que nous
lui trouverons la meilleure famille qui soit. J’ai de la misère à le quitter
dimanche après-midi. Il est réveillé, mais je dois partir. Il me regarde. Ne
sourit pas. Ne pleure pas. Je le laisse seul dans son grand lit à barreau comme
seuls compagnons la pieuvre musicale et son canard bariolé.
*
* *
Petite anecdote numérologique que
nous venons tout juste de s’apercevoir. La date officielle du début de notre
couple est le dix-huit octobre mille
neuf cent quatre-vingt-dix-huit, à
l’âge de dix-huit ans, j’ai habité toute mon enfance au huit
cent quatre-vingt-dix-huit, ma
belle-mère est décédée un dix-huit
novembre et Nicolas a une anomalie au chromosome dix-huit!! Ouf, cela fait beaucoup de dix-huit dans notre vie!!
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