mardi 23 juillet 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 25 : Le Doute

23 juillet 2013 

Ça fait un bon bout de temps que je n’ai pas écrit. Le besoin s’en fait moins sentir. Maman aussi écrit moins dans son journal. La situation se stabilise. La vie reprend son cours… enfin une partie de la vie. 

Nicolas est maintenant rendu dans son centre d’accueil depuis plus d’un mois. Les gens là-bas s’en occupent bien. De ce que l’on peut constater, il y est bien. Il ne semble pas s’ennuyer de nous. Maman va le voir deux fois par semaine et moi une fois. Nous tentons de prendre nos distances. Nous gardons nos fins de semaine pour nous, pour se retrouver en famille, se refaire une santé mentale 

Nicolas a eu quelques rendez-vous à l’hôpital. Un rendez-vous en urologie qui nous a appris qu’il avait encore du reflux et une hydronéphrose. Ça c’était quelque peu amélioré, mais il doit continuer à être suivi et continuer de prendre des antibiotiques préventifs. Il a eu son examen ophtalmologique. Ses hémorragies sont pas mal disparues, mais on lui a trouvé une myopie d’environ 2. Les enfants, habituellement en jeune âge ont une légère hypermétropie qui évolue tranquillement vers la normalité ou vers une myopie. On peut alors déjà assumer que Nicolas souffrira d’une bonne myopie à un très jeune âge. 

À son nouveau centre, Nicolas a continué d’être sevré du phénobarbital. Par contre, à son deuxième vendredi au centre, alors que j’allais le visiter, il s’est mis à refaire des convulsions avec arrêts respiratoires. Ça faisait un bon moment qu’il n’en avait pas fait. Je ne sais pas si c’est l’habitude qui se perd, mais je trouvais que ses apnées étaient plus sévères qu’avant, plus douloureuses et qu’il avait plus de difficulté à retrouver son souffle. Les infirmières là-bas étaient un peu paniquées  et ne savait pas trop quoi faire. Finalement, ils ont arrêtés le sevrage du phénobarbital et augmenter sa dose de Topamax. Depuis, il est stable. Au moins, nous avons l’impression que son sevrage lui permet d’être plus éveillé. 

Nous espérions que ses épisodes d’éveil prolongés l’aideraient à évoluer plus vite. Il reçoit la visite d’une pédiatre 1 fois par 6 semaines et d’une physiothérapeute 1 fois par semaine. Elles lui font faire des exercices pour tenter d’améliorer son hypotonie, sa poursuite du regard, bref, tout ce qu’un bébé devrait faire. Pour maman et moi, nous ne trouvons pas qu’il progresse, mais les infirmières là-bas n’arrêtent pas de nous dire combien il n’est pas si en retard que ça. C’est peut-être parce qu’elles ont l’habitude de côtoyer des enfants avec handicaps lourds alors que de notre côté, nous avions seulement l’expérience d’une fille normale. 

Au début, ça nous a fait souffrir. Elles semaient le doute en nous. Ce doute qui nous poursuivra encore longtemps : ‘Et s’il était normal finalement’. Ce doute nous ronge et fait ressortir en nous la culpabilité d’avoir pris la décision d’opter pour l’adoption pour Nicolas. Cette culpabilité de ne pas être assez forts pour s’occuper de notre propre enfant, de ne pas être à la hauteur. Bien que beaucoup de gens autour de nous nous avouent qu’ils n’en seraient pas plus capables, il reste que c’est nous qui devons vivre avec ce doute et la douleur de cette décision. Et on ne compte même pas la douleur qu’on peut causer aux autres qui subiront aussi les conséquences de notre choix. Nous ne serons pas les seuls impactés, il y aura Anabelle, les grands-parents, les cousins-cousines, les oncles et les tantes, les arrière-grands-parents. Quand Nicolas sortira de notre vie, c’est de la vie de tous ces gens qu’il sortira. Ça causera de la peine et de la tristesse et ce sera en quelque sorte de notre faute. Il faut apprendre à vivre avec ça. 

Il reste que lorsque nous voyons Nicolas, nous ne voyons pas de progrès. Il a maintenant presque 5 mois, il ne tient pas complètement sa tête seul, suit très faiblement du regard, sinon pas du tout. Il ne démontre presque pas  d’intérêt pour ses jouets ou même les gens autour de lui. C’est comme s’il était enfermé dans son propre monde. Il babille beaucoup et sa préhension est meilleure. Je ne suis pas certain qu’il sourit, il semble faire un début de sourire, mais maman et les infirmières m’affirment qu’il fait de beau sourires de temps en temps. Ses périodes d’éveils prolongées viennent aussi avec plus de pleurs, il semble également faire des coliques. Cela a pour conséquence que pour le peu de temps de que nous le voyons, il passe plus de temps à pleurer qu’auparavant.  

Nous avons eu de nouvelles de l’association Emmanuel. La famille est trouvée et en processus d’accréditation. Ils sont très impatients de voir Nicolas. Nous n’avons pas beaucoup d’information sur eux, mais nous savons qu’ils ont des enfants dont au moins un handicapé.  Ça nous a donner un choc d’apprendre ça. Une famille qui a la force d’adopter deux enfants handicapés alors que nous sommes incapables de nous en occuper d’un, a fortiori, le nôtre. Mais nous nous résonnons en nous disant qu’au moins, ils savent dans quoi ils s’embraquent. Nous croyons qu’après tout ce qu’il a vécu, Nicolas mérite d’être avec des parents qui sont prêts et qui veulent s’en occuper. Nous espérons de tout cœur qu’ils soient accrédités et nous  sommes très reconnaissants que des parents  comme eux, puissent exister.
 
Maman a recommencé à travailler. Elle est en contact avec le publique alors on lui parle souvent de sa précédente grossesse et elle est obligée de raconter cette histoire ou une version très abrégées régulièrement. C’est pénible, mais elle reçoit de temps en  temps des témoignages qui supportent sa décision. Retourner au travail, s’occuper l’esprit lui fait  du bien.  Elle sait que ce ne sera pas toujours  facile et que par moment, elle  ressentira la tristesse du deuil surtout lorsqu’il sera dans sa famille définitive. Travailler est une façon de mettre son focus sur le futur sans son fils et reprendre sa vie en mains. Travailler est en quelque sorte la manière de ne pas laisser cette dure épreuve la submerger et  prendre toute la place dans  sa vie. 

Nous pansons nos plaies. Nous tentons de continuer à vivre. Nous appréhendons la douleur (la nôtre comme celle des autres) qui surviendra lorsque l’adoption sera amorcée. Nous espérons autant pour nous que pour Nicolas que ce sera plus tôt que tard. Il est temps que tout le monde tourne la page de ce triste épisode.

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